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Voir la version complète : L'attitude "en tri". La neutralité thérapeutique.



Antoine
19/03/2005, 00h23
Bon, puisque ce forum de "discussions ouvertes" a besoin de thËmes polÈmiques sur la thÈrapie, voici une notion sur laquelle j'aimerais recueillir les opinions les plus diverses et en toute subjectivitÈ.

Une des caractÈristiques de la philosophie thÈrapeutique d'Erickson et des pratiques qui en dÈcoulent est la neutralitÈ du thÈrapeute ‡ l'Ègard du patient. MÃme si le thÈrapeute peut parfois jouer l'opposition, la fermetÈ, etc., il ne doit jamais projeter ou faire interfÈrer quoique ce soit qui ne vienne pas du patient et ne serve pas son objectif. L'attitude "en tri", le discours vague, la reformulation, le Milton modËle, la synchronisation, la calibration, sont autant de prÈcautions du thÈrapeute pour ne jamais chercher ‡ "comprendre" le monde du patient, la signification de ses mots et de ses comportements, ne jamais violer ses cadres en interprÈtant avec ceux du thÈrapeute. Cette neutralitÈ, qui permet de guider le patient ‡ l'aveugle dans un univers de significations impÈnÈtrable et unique me semble Ãtre un point fondamental de la thÈrapie Ericksonienne. MÃme si Erickson lui-mÃme semblait s'accorder la projection de quelques structures morales pour savoir lui-mÃme vers quel objectif il guidait le patient. Il ne manquait pas de quelques analyses sur la structure du problËme selon des modËles plus ou moins souples.

On pourrait penser que cette neutralitÈ est aussi prÈsente dans l'attitude passive du thÈrapeute de type analytique qui attend toute Èmergence de l'inconscient de la part du sujet sans mÃme l'accompagner d'un maÔeutique thÈrapeutique (puisqu'il s'agit d'analyse et non pas de thÈrapie, on ne vise donc pas un objectif de changement). Or, il me semble qu'on a dans un cas une passivitÈ (psychanalyse, etc .), et dans un autre une vÈritable neutralitÈ , qui n'est pas nÈcessairement frileuse et peut Ãtre au contraire trËs dynamique et bavarde. Dans un cas on pense qu'il faut se taire pour laisser parler, et dans un autre on sait bien que celui qui Ècoute en dit parfois plus que celui qui parle, et qu'en parlant soi-mÃme on peut en faire dire ‡ l'autre. L'interprÈtion des symboles, des lapsus, et de tout autre expression de l'inconscient se fait selon des grilles de dÈcryptage commune. Cela suppose donc que l'inconscient du patient s'exprime comme celui du thÈrpeute et de tout autre individu. Ce qui est dÈj‡ discutable. La position neutre s'abstient d'interprÈter les signes, a fortiori quand ils semblent Èvident, mais ce contente d'en calibrer s'ils permettent d'atteindre ou non l'objectif visÈ.
Cette neutralitÈ est poussÈe par le thÈrapeute jusqu'‡ l'abandon provisoire de ses engagements moraux. Si l'objectif d'un patient apparaÓt clairement et sincËrement comme une volontÈ d'autodÈstruction, ou comme une quÃte de puissance malsaine par exemples, le thÈrapeute, s'il accepte d'accompagner le patient vers un changement, ne doit pas se mÃler de lui suggÈrer une moralitÈ plus "convenable". Quelles sont pour vous les limites de la "dÈsincarnation" du thÈrapeute ? Son seul engagement se limite-t-il vraiment ‡ accepter ou non un patient ? (je le crois, mais qu'en pensez-vous ? )
Les notions de soin, de "mieux", de guÈrision, de positif, etc . doivent-elles Ãtre apportÈes par chaque patient, ou doivent-elles rester des repËres thÈrapeutiques ‡ peu prËs stables? Je pense en effet que quand le patient vient voir un thÈrapeute, il cherche un changement mais aussi la direction de celui-ci. Il demande : faites-moi Ãtre ce que vous appelez "mieux" ! C'est la confiance minimum qu'il accorde au thÈrapeute. Il croit que celui-ci est dÈpositaire d'une "direction bonne". C'est pourquoi il convient pour un thÈrapeute d'orienter les discussions avec le patient vers des suggestions positives. Le thÈrapeute garde confiance en ce qu'il croit Ãtre positif. Il a une notion "objective", ou du moins inter-subjective, communicative (thÈrapeutique ?) du positive. N'est-ce pas un cap minimum ‡ garder pour celui qui accompagne le changement?
Dans quelle mesure la neutralitÈ est une flexibilitÈ ? Quelles sont les domaines et les limites de l'adaptativitÈ ?

Je sais que je pose beaucoup de questions. Mais libre ‡ chacun de vous d'apporter au fil du temps des reflexions, des opinions, des sentiments etc. sur cette question fondamentale pour le thÈrapeute ericksonien.

J'ai conscience de ne pas Ãtre toujours trËs clair, mais il est tard et mon esprit s'embrume. Je pourrai clarifier ma pensÈe ultÈrieurement si nÈcessaire.

19/03/2005, 01h06
Il est tard, demain je me lËve tÙt, mais je ne peux m'empÃcher une petite rÈponse a chaud, sur ma faÃon de faire.

J'essaye toujours... j'amËne toujours le patient vers le "bien" qu'il souhaite, celui qu'il sent a l'intÈrieur de lui, celui qu'il veut ressentir. Je dois avouer que parfois ce "bien" ne m'a pas semblÈ Ãtre celui que j'aurai choisi.
Dans ce cas de figure, je cherche ‡ faire dire au patient de faÃon diffÈrente ce qu'il souhaite afin d'Ãtre convaincu que cela respecte une Ècologie, bonne pour lui, et... pour les autres.

Arf oui heu.. suis-je bÃte, il est vraiment tard !!! Avec une bonne vÈrification d'Ècologie, tu dois te rendre compte si cela est vraiment bon a 100% et ainsi savoir si tu peux continuer ‡ faire changer la personne ou si vraiment tu dois demander a la personne de s'orienter vers un autre changement.

Peut Ãtre est-il tard et que je ne suis pas clair... des prÈcisions a venir dans le courrant du week-end si je n'ai pas ÈtÈ assez clair ;)

Olaf
21/03/2005, 09h14
Pour ma part, j'ecris ce post un lundi matin ensoleillÈ depuis le bureau... je vais donc faire un effort pour ne pas le faire trop long ;)

Cette question revient finalement assez rÈguliËrement et a du passer par la tÃte de la plupart des hypnos.
Ca nous ramËne un peu ‡ la question de la "limitte entre flexibilitÈ et personalitÈ" que l'on s'est posÈe dans le stage.
Jusque ou devons nous etre flexible et aller dans le sens de ce que veut le patient? Jusque ou conserver une personalitÈ? Comment inclure le travail dans le sens de ce que l'on croit important d'accomplir?

Tout d'abord, il y a peut-etre une notion d'ethique propre ‡ chacun qui peut nous aider. Notre code d'honneur interieur en quelques sortes.
Pour ma part, quand une demande sort vraiment de mon code d'ethique, je refuse de travailler dessus purement et simplement. En argumentant consciemment au besoin si la personne ne comprend pas que je ne suis pas le plus adaptÈ pour ce travail qui risquerait d'ailleurs fort, menÈ par moi de ne pas fonctionner comme prÈvu.

Ce code d'honneur est propre ‡ chacun de nous mais je crois qu'il est facile d'imaginer des demandes qui nous semblent sortir de l'ethique de tout thÈrapeuthe (ex : qq'un qui vient voir un hypno qui veut ameliorer sa crÈativitÈ et sa confiance pour s'ameliorer dans le domaine des arnaques, des abus de pouvoirs, etc... je crois que peu d'hypnos de l'arche accepteront de l'aider non? :wink: )

L'Ecologie dont a dÈj‡ parlÈ Clark Kent est un trËs important passage. L‡ par exemple, je pense personnellement qu'il ne faut rien lacher qui nous apparait comme potentielement gÈnant.

Ensuite, il y a l'intuition :idea: . Normalement, en sÈance elle est surdeveloppÈe et elle a une fiabilitÈ en terme de guidage et de sÈcuritÈ qui est assez rassurante. Parfois, la sÈance bifurque d'un seul coup vers quelque chose "en plus" ou "imprevu" ou on sort une phrase "etrange" qui nous vient d'un coup et on se rend compte que c'est Ãa qui a ÈtÈ le plus important de la sÈance, ou que c'est Ãa qui permet d'atteindre des but importants pour la personne... Vaste sujet non?

Et enfin, selon moi toujours, on a une marge de manoeuvre qui nous permet de prÈciser des cadres qui nous semblent plus adaptÈs ‡ ce qui pour des raisons ethiques ou autres nous jugeons adaptÈes. Clairement : ce que la personne consultante n'a pas spÈcifiÈ mÈrite parfois d'etre prÈcisÈ quand on remarque un point important qu'on ne veut pas voir etre utilisÈ de travers...
Un exemple parlant de Bandler est que quand il aide quelqu'un ‡ cesser de fumer, il precise de maniËre bien directive que la personne appreciera quand mÃme toujours la prÈsence des autres fumeurs et ne doit pas se transformer en non fumeur fanatique. C'est ce genre de libertÈ que je trouve utile d'offrir au patient.

Et enfin, il parait qu'on raconte que selon certains on attire ‡ soi les gens qu'on peut aider. et donc, peut etre simplement que si on vraiment est soi mÃme...