PDA

Voir la version complète : Métaphore et traumatisme psychique (suite)



llenox
25/10/2006, 20h56
5. PensÈe et trauma
Les troubles cognitifs sont si frÈquents dans les psychotraumatismes quĂ*on peut dire quĂ*ils en sont pathognomoniques. Les patients se plaignent dĂ*une incapacitÈ ‡ penser. Quand ils y parviennent, cela leur provoque des cÈphalÈes, sans compter que leurs pensÈes sont souvent et soudainement interrompues par lĂ*irruption de mnÈsies traumatiques. Par ailleurs, ils rapportent des troubles de la concentration et de la mÈmoire.
6. Narration et trauma
6.1. Le symptÙme de lĂ*accrochage
Janet (1919) parle du symptÙme de lĂ*accrochage : les sujets traumatisÈs restent accrochÈs ‡ un obstacle quĂ*ils ne parviennent pas ‡ franchir. Ils sont arrÍtÈs dans le cours de leur existence par un blocage de leurs capacitÈs de rÈaction et dĂ*adaptation.
A lĂ*origine de cet accrochage, Janet incrimine une carence de la rÈponse par le langage, et surtout par le langage intÈrieur qui e˚t maÓtrisÈ ou rÈduit, en lĂ*objectivant par des mots, une situation omniprÈsente, envahissante et imprÈcise.
6.2. La parabole de la sentinelle
Il illustre cette considÈration par la parabole de la sentinelle1. ÂŽ Une sentinelle placÈe en dehors du camp surveille lĂ*arrivÈe de lĂ*ennemi : quand cet ennemi survient, elle doit dĂ*abord faire des actes particuliers en rapport avec lĂ*arrivÈe de lĂ*ennemi, se dÈfendre ou se cacher, se coucher par terre, ramper pour Èchapper ‡ lĂ*attention et rentrer au camp. (Ö). Mais en mÍme temps quĂ*elle fait ces actes dĂ*adaptation personnelle la
1 Janet P., ÂŽ Les mÈdications psychologique. Les Èconomies psychologiques ÂȘ, Paris, Librairie FÈlix Alcan., 1919.
13
sentinelle doit faire une autre rÈaction tout ‡ fait nouvelle qui caractÈrise la mÈmoire, elle doit prÈparer un discours, elle doit suivant certaines rËgles traduire lĂ*ÈvÈnement en paroles afin de pouvoir tout ‡ lĂ*heure le raconter devant le chef ÂȘ. Ce discours intÈrieur a pour effet dĂ*occuper sa conscience, de dÈriver son anxiÈtÈ et de maÓtriser la situation en lĂ*objectivant. Et, dit Janet, il en est de mÍme pour tout un chacun face ‡ une situation dangereuse qui ne peut Ítre maÓtrisÈe physiquement.
Si, dans une situation catastrophique, lĂ*individu conserve une certaine maÓtrise, au moins mentale, il sĂ*en sort mieux psychologiquement que quelquĂ*un qui se sent impuissant et dont le traumatisme atteint la capacitÈ de penser.
6.3. Le langage intÈrieur
Selon Janet, le langage intÈrieur permet de maÓtriser une situation dangereuse. En outre, dit-il, ÂŽ une situation nĂ*est bien liquidÈe, bien assimilÈe que lorsque nous avons rÈagi non seulement extÈrieurement par nos mouvements, mais encore intÈrieurement par les paroles que nous nous adressons ‡ nous-mÍmes, par lĂ*organisation du rÈcit de lĂ*ÈvÈnement aux autres et ‡ nous-mÍmes et par la mise en place de ce rÈcit comme un chapitre de notre propre histoire. ÂȘ1.
6.4. La verbalisation de lĂ*expÈrience traumatique
Le traumatisme psychique se situe donc comme quelque chose qui nĂ*a pas ÈtÈ dit ni pensÈ. CĂ*est la verbalisation de lĂ*expÈrience traumatique qui va lĂ*extÈrioriser, le rÈduire et le maÓtriser.
Mais il ne sĂ*agit pas de nĂ*importe quelle verbalisation. Il nĂ*est pas question dĂ*encourager le patient ‡ dÈpeindre cr˚ment lĂ*ÈvÈnement traumatique. Ce procÈdÈ serait dangereux et anti-thÈrapeutique. En effet, raconter stimule les processus mÈmoriels ; lĂ*incident critique est rÈactivÈ tant dĂ*un point de vue cognitif quĂ*affectif. Le rappel du souvenir traumatique, du fait de sa charge Èmotionnelle, est alors susceptible de provoquer un Ètat de conscience modifiÈ spontanÈ2 de sorte que le sujet aura la sensation de revivre ÂŽ rÈellement ÂȘ le stresseur au moment o˘ il lĂ*Èvoque. Attiser ainsi le traumatisme initial induirait des effets iatrogËnes ; le syndrome de rÈpÈtition en serait renforcÈ.
GÈnÈralement, les patients ont eu lĂ*occasion de parler de ce quĂ*ils ont vÈcu et parfois mÍme ‡ de nombreuses reprises. Certains ont dĂ*ailleurs un besoin impÈrieux et inextinguible de rendre compte de leur expÈrience. Pourtant, parler ne les a pas aidÈ. SĂ*ils avaient pu se dÈsensibiliser (au sens comportementaliste) en revivant leur traumatisme, ils ne seraient pas dans un cabinet de consultation. CĂ*est que la litanie des faits nĂ*est pas une mise en rÈcit car au milieu de cette profusion de paroles continuent de se dessiner les contours dĂ*un gouffre de silence.
On lĂ*aura compris, lorsquĂ*on parle de la verbalisation, il ne sĂ*agit pas du rÈcit de lĂ*ÈvÈnement qui risque de perpÈtuer lĂ*expÈrience morbide en la faisant revivre mais dĂ*inaugurer un langage maÔeutique afin de rÈguler ses Èmotions.
1 Janet P., ÂŽ Les mÈdications psychologique. Les Èconomies psychologiques ÂȘ, Paris, Librairie FÈlix Alcan., 1919.
2 DËs avant 1990, P. Janet, met en Èvidence le rÙle fondamental de lĂ*Èmotion dans la dÈsorganisation mentale et souligne la puissance dissociante de celle-ci.
14
ÂŽ Quand la mÈmoire est fraÓche, nous dit Cyrulnik, les traumatisÈs ont besoin dĂ*en faire un rÈcit afin de maÓtriser leurs Èmotions et de socialiser leur Èpreuve afin de se sentir ‡ nouveau comme les autres. ÂȘ. ÂŽ LĂ*enjeu politique du rÈcit est Ènorme : sauver Narcisse1. (Ö). LĂ*idÈe ne sera pas de faire raconter le passÈ pour le revivre mais pour le reconstruire. ÂȘ.2
III. La thÈrapie
1. Objectif de la thÈrapie
Nous lĂ*avons vu, les significations accordÈes ‡ une expÈrience peuvent Ítre multiples. La thÈrapie conduit ‡ reconstruire une cohÈrence et une unitÈ dans une configuration diffÈrente qui accorde un sens remaniÈ ‡ soi-mÍme et aux ÈvÈnements vÈcus. Elle a donc pour visÈe des effets de construction du sujet et de transformation identitaire.
La thÈrapie sĂ*attache ‡ revenir sur les ÈvÈnements, ‡ les questionner et ‡ y associer dĂ*autres idÈes. Elle engage ‡ reconsidÈrer et ‡ rÈÈlaborer des scÈnarios autour des mÍmes personnages, dÈcors et situations afin quĂ*ils puissent Ítre rÈinterprÈtÈs et ouvrir dĂ*autres horizons de sens. Il sĂ*agit de permettre un tissage, une co-construction du vÈcu du patient avec dĂ*autres idÈes3. Cette reconstruction subjective sĂ*Èlabore au travers de la narration, des rituels thÈrapeutiques, des mÈtaphores et des scÈnarios rÈparateurs.
2. Penser le trauma
Au moment des faits, les personnes traumatisÈes ont manquÈ dĂ*outils de pensÈe qui auraient pu les aider ‡ maÓtriser, du moins mentalement, la situation. La narration ÈlaborÈe dans le cadre dĂ*une relation thÈrapeutique permet dĂ*injecter de la pensÈe sur les mnÈsies traumatiques. En racontant la scËne traumatique, le patient envisage, tour ‡ tour, diffÈrents rÙles : le sien, celui du commentateur interne qui dit tout haut ce quĂ*il a pensÈ tout bas, celui dĂ*un acteur qui joue ce quĂ*il nĂ*a pu ou su extÈrioriser, celui dĂ*un observateur externe analysant la situation et parfois encore celui de lĂ*agresseur. La pensÈe est ainsi reconstruite dans sa fonction de contenant et devient un moyen efficace pour contrebalancer lĂ*impact traumatique. Traduire
1 Narcisse qui ne pense quĂ*‡ lui-mÍme, ne peut ni inventer, ni raconter. Il est perdu dans son propre reflet muet.
2 Cyrulnik est proche de la notion de catharsis, car tout comme le spectateur des tragÈdies grecques, les personnes traumatisÈes mitigent par la narration, leurs Èmotions trop fortes. Pour rappel, Freud a empruntÈ ‡ Aristote le mot catharsis pour dÈsigner lĂ*effet de dÈcharge bÈnÈfique des affects pÈnibles nÈs dĂ*une expÈrience traumatisante. CĂ*est ‡ Aristote que lĂ*on doit la notion thÈrapeutique de la catharsis. Pour lui, la tragÈdie, en faisant Èprouver au spectateur, des passions ÈpurÈes par lĂ*imitation quĂ*effectuent les acteurs, le libÈrait des passions violentes inspirÈes par le thËme mÍme de la tragÈdie en transformant des sentiments dÈsagrÈables en plaisir. Contrairement aux idÈes actuellement vÈhiculÈes par rapport ‡ la catharsis, il ne sĂ*agit pas dĂ*une purgation des Èmotions.
3 Lorsque nous Èmettons des idÈes, celles-ci ne sont que des tissages, le plus souvent inconscients, des idÈes dĂ*autrui avec celles que nous avons engrangÈes dans notre stock mÈmoriel. CĂ*est un brassage dĂ*idÈes, un remue-mÈninges.
15
en mot un vÈcu traumatique, le transmettre sous forme de rÈcit, ce nĂ*est pas une reviviscence de lĂ*ÈvÈnement rÈel, cĂ*est dÈj‡ un produit de la pensÈe.
La pensÈe permet au sujet de resituer lĂ*expÈrience singuliËre dans son histoire, de dÈcouvrir les processus qui ont influencÈ son cheminement individuel et de comprendre ce quĂ*il a fait de lĂ*expÈrience agissant en lui. CĂ*est donc dĂ*un travail de reprÈsentation de son vÈcu dont il est question.
3. Les t‚ches mÈtaphoriques ou rituels thÈrapeutiques
Nous sommes constamment en train de participer ‡ des rituels (rituels individuels tels que le cafÈ le matin, la promenade du chien ; rituels culturels tels que les fÍtes dĂ*anniversaire, de la nouvelle annÈe, les commÈmorations, etc.). Ceux-ci sont des sÈquences cohÈrentes dĂ*actions organisÈes et rÈpÈtitives. En les accomplissant, nous donnons une structure et une signification ‡ nos activitÈs et nous rÈduisons lĂ*aspect chaotique et disparate de nos actions.
En thÈrapie, nous crÈons des cÈrÈmonies de guÈrison. Les t‚ches prescrites sont en relation directe avec la problÈmatique inconsciente dont elles symbolisent la rÈsolution ou la clÙture. Celles-ci doivent dÈfinir clairement une transition et faciliter lĂ*Èmergence dĂ*un sentiment dĂ*achËvement. Selon les cas, ces cÈrÈmonies reprÈsenteront davantage la fin de lĂ*ÈvÈnement traumatique ou le dÈbut de la guÈrison. Cela ne veut pas dire quĂ*aprËs la cÈrÈmonie, les personnes nĂ*Èprouveront plus de tristesse, de peur, de colËre, etc. mais la fin de lĂ*histoire dÈlÈtËre doit leur sembler plus nette.
Les rituels thÈrapeutiques sont des formes spÈciales de prescriptions de t‚ches qui changent ‡ la fois la faÁon de voir (recadrage) et de vivre les difficultÈs engendrÈes par un ÈvÈnement traumatique. Leur utilisation est un moyen de franchir le fossÈ entre le monde ÂŽ intÈrieur ÂȘ, composÈ de significations, de reprÈsentations et de sentiments et lĂ*extÈrieur, reprÈsentÈ par les actions. Ils sont destinÈs ‡ ÂŽ externaliser ÂȘ1 les problËmes. Cette rÈification permet dĂ*engager une action en vue de rÈsoudre la situation ou de modifier les sentiments quĂ*elle gÈnËre. LĂ*action et les gestes ainsi posÈs par les rituels ont une valeur mÈtaphorisante puisquĂ*ils rendent aux patients leur destin dĂ*Ítre humain (ÂŽ Je peux redevenir un homme parmi les hommes en mettant un terme ‡ mon passÈ de misËre gr‚ce au prÈsent que je me rends par ce rituel de clÙture ÂȘ). Si le rituel confËre au sujet la capacitÈ de prÈsenter une version mÈtaphorique de son ressenti, cĂ*est parce quĂ*il dÈtermine des Èmotions, une comprÈhension et une rÈaction nouvelles par rapport ‡ son problËme. En retour, les actions quĂ*ils promeuvent gÈnËrent de nouveaux ÂŽ ÈvÈnements ÂȘ qui modifient la trame de lĂ*histoire du sujet.
1ÂŽ Externaliser est une approche de la thÈrapie qui encourage les gens ‡ se reprÈsenter concrËtement et parfois, ‡ personnifier les problËmes qui les accablent. Au cours de ce processus, le problËme devient une entitÈ sÈparÈe et donc extÈrieure ‡ la personne ou ‡ la relation ‡ qui lĂ*on attribuait les problËmes ÂȘ (White M. et Epston D, ÂŽ Les moyens narratifs au service de la thÈrapie ÂȘ, Bruxelles, Collection Le Germe, Editions Satas, 2003.). LĂ*externalisation repose sur la mÈtaphore conventionnelle ÂŽ Les problËmes sont des entitÈs contenues dans la personne ÂȘ (ÂŽ Je voudrais me dÈbarrasser de ce problËme ÂȘ, ÂŽ Il garde tout en lui ÂȘ, ÂŽ Ca le ronge ‡ lĂ*intÈrieur ÂȘ, ÂŽ Il est bourrÈ de problËmes ÂȘ, ÂŽ Sa dÈpression est revenue ÂȘ). 16
3.1. Le procËs imaginaire
Pour des raisons diverses, il arrive quĂ*une victime ne puisse espÈrer que le dommage subi ne soit reconnu par la justice. On peut alors instaurer, en hypnose, un espace pour quĂ*un procËs intime ait lieu. La personne va faire le procËs de son/ses agresseurs devant un tribunal imaginaire et ainsi se rendre justice.
3.2. Le rituel de purification
Une purification est utilement prescrite lorsque la personne sĂ*est sentie salie par les ÈvÈnements. Les victimes se lavent ainsi de la pÈriode pÈnible et de lĂ*affront1.
3.3. Les objets symboliques
Un rituel thÈrapeutique implique gÈnÈralement la crÈation dĂ*un symbole. Celui-ci peut reprÈsenter une personne (la victime elle-mÍme, lĂ*agresseur, etc.), des biens matÈriels (voiture, bijoux, argent, etc.) ainsi que les Èmotions suscitÈes par lĂ*ÈvÈnement traumatique (chagrin, colËre, peur, etc.) ou ce que ce dernier a fait perdre (le sentiment de sÈcuritÈ, la croyance en un monde juste et bon, lĂ*estime de soi, le sommeil, etc.).
Un exemple : le caillou2. On demande ‡ la personne de porter sur elle un caillou qui reprÈsente le poids de son chagrin, de sa souffrance, etc. LorsquĂ*elle se sent prÍte, elle peut lĂ*enterrer procÈdant ainsi aux obsËques de son ancienne vie.
Si lĂ*on peut donner quelques idÈes gÈnÈrales aux patients ‡ propos des rituels, il nĂ*en reste pas moins que leurs idÈes seront toujours les meilleures.
4. Histoires mÈtaphoriques thÈrapeutiques et trauma
Nous lĂ*avons vu, la mÈtaphore confËre une place ‡ ÂŽ ce qui Èchappe ÂȘ et lĂ*intËgre dans lĂ*intimitÈ subjective du patient. En obligeant ‡ essayer de comprendre en quoi elle pourrait Ítre vraie, la mÈtaphore engage une expÈrience heuristique et hermÈneutique qui favorise lĂ*Èmergence de nouvelles significations des ÈvÈnements et de soi et gÈnËre un Èlargissement du champ possible de solutions. En effet, le sujet cherche ‡ Ètablir des corrÈlations
1 Cette t‚che se fonde sur la mÈtaphore conventionnelle ÂŽ Les problËmes sont des entitÈs salissantes ÂȘ (ÂŽ Sa rÈputation a ÈtÈ salie par le scandale ÂȘ, ÂŽ Il a ÈtÈ ÈclaboussÈ par le scandale ÂȘ, ÂŽ CĂ*est une sale affaire ÂȘ).
2 Ce rituel repose sur la mÈtaphore conventionnelle qui sous-entend que ÂŽ les problËmes sont des objets lourds ÂȘ (ÂŽ Ca me pËse ÂȘ, ÂŽ JĂ*ai un poids sur la poitrine ÂȘ, ÂŽ JĂ*ai un poids sur lĂ*estomac ÂȘ).
17
cohÈrentes, consciemment ou inconsciemment, entre les nouvelles donnÈes suggÈrÈes par lĂ*histoire thÈrapeutique et certains aspects de sa situation actuelle.
Ces histoires mÈtaphoriques nĂ*ont guËre de valeur et de signification que dans un contexte relationnel. Elles exercent leur fonction dĂ*ouverture sur un horizon de sens dans les marges du problËme traitÈ.
Ces mÈtaphores gÈnËrent des associations, des Èmotions et des pensÈes qui vont selon le cas permettre ‡ la victime dĂ*instaurer de lĂ*espoir pour lĂ*avenir, de prendre des dÈcisions, dĂ*entrer en action, de changer dĂ*attitude face ‡ son problËme, de trouver la motivation de sĂ*en sortir, de transformer ses Èmotions, etc.
4.1. MÈtaphore favorisant la capacitÈ dĂ*action
SĂ*occuper de son jardin
ÂŽ NĂ*as-tu jamais remarquÈ que derriËre chaque merveille quelquĂ*un travaille ‡ en Èpanouir la beautÈ ? Ne crois-tu pas que nĂ*importe quel trÈsor que nous dÈlaisserions perdrait graduellement ses attraits ? Je replante les fleurs qui ont ÈtÈ arrachÈes car je sais quĂ*elles repousseront aussi belles et encore plus fiËres quĂ*avant ! On peut arracher les fleurs, casser les branches et couper les arbres mais jamais on ne pourra toucher le sol dans lequel toutes ces merveilles ont poussÈ. Tant quĂ*il y aura quelquĂ*un pour prendre la peine de replanter les arbres, de semer des fleurs et dĂ*en prendre soin, les merveilles repousseront toujours. ÂȘ
4.2. MÈtaphore favorisant lĂ*espoir pour lĂ*avenir
La blessure
Vous pouvez facilement vous souvenir que lorsque vous Ítes ÈcorchÈ, vous ne voulez pas que qui que ce soit touche la plaie. MÍme les personnes qui vous sont chËres, mÍme celles qui vous aiment, vous ne les laissez pas vous toucher parce que cela fait trop malÖ En plus, beaucoup de gens nĂ*aiment pas voir une plaie bÈante ; Áa les met mal ‡ lĂ*aise... Petit ‡ petit, une cro˚te se forme. Une cro˚te, cĂ*est une partie de vous-mÍme qui, sans mÍme que vous ayez ‡ y penser, se durcit pour vous protÈger le temps dont vous en avez besoinÖ En mÍme temps que se forme la cro˚te, les processus de guÈrison prennent place ‡ lĂ*intÈrieur. Puis, petit ‡ petit, la cro˚te commence ‡ disparaÓtre. Et si on gratte la cro˚te trop tÙt, on ouvre ‡ nouveau la plaie et Áa prend plus de temps pour guÈrirÖ La blessure finit par guÈrir. Parfois, elle laisse des cicatrices. Ces cicatrices nous rappellent simplement quĂ*il y a longtemps, quelque chose sĂ*est passÈ mais Áa ne fait plus souffrir personne maintenant.
4.3. MÈtaphore favorisant lĂ*estime de soi
La valeur
Un confÈrencier demande ÂŽ Voulez-vous ce billet de banque? ÂȘ. Il le chiffonne et redemande ÂŽ Voulez-vous toujours ce billet de banque? ÂȘ. Il le jette par terre, saute ‡ pieds joints dessus, le recouvre de la poussiËre du plancher. Cependant, les gens dÈsirent encore recevoir le billet malgrÈ les mauvais traitements dont il a fait lĂ*objet parce que sa valeur nĂ*a pas changÈ. Dans
18
notre vie, nous sommes froissÈs, rejetÈs, souillÈs et nous avons lĂ*impression que nous ne valons plus rien mais en rÈalitÈ notre valeur nĂ*a pas changÈ.
4.4. MÈtaphore recadrant la transformation identitaire
La tempÍte
Une nuit, le vent souffle en rafales sur le champ. Il y a des claquements effroyables, des grincements et de puissantes bourrasquesÖ Au matin, la pluie a cessÈ. Dans le prÈ, cĂ*est le dÈsastreÖ Un vieil arbre sĂ*est effondrÈ. Son immense tronc est Ètendu sur le sol, des branches cassÈes gisent tout autour de luiÖ Au milieu du champ, le petit arbuste a survÈcu mais une grosse branche du gÈant terrassÈ sĂ*est abattue contre son tronc et ‡ cause de cela, il poussera de travers. Il faudra attendre quelques annÈes pour que le petit arbre puisse sĂ*en sortir et quĂ*il reprenne une croissance normale.
5. Changer de mÈtaphore narrative : le scÈnario rÈparateur
LĂ*hypnose libËre des scÈnarios, ceux qui ont eu lieu et ceux qui ne se sont pas produits, que la situation nĂ*a pas permis de rÈaliser, mais qui en les expÈrimentant ouvrent des possibilitÈs dĂ*action et de changement.
En hypnose, on va demander au patient de retourner au moment de lĂ*incident critique puis, ‡ partir de ses apprentissages et de ses ressources, on va lĂ*aider ‡ mettre en place un autre scÈnario. Les modifications que lĂ*on va introduire par rapport ‡ la scËne inaugurale ont pour but de favoriser la rÈparation du Moi dÈbordÈ par lĂ*afflux dĂ*excitations et qui a manquÈ de soutien au moment crucial. On va donc introjecter des ressources sous forme de capacitÈs ou de possibilitÈs dĂ*action ou de rÈaction, de personnes-soutien, dĂ*objets, etc. dont la victime nĂ*a pas pu bÈnÈficier au moment du trauma.
LĂ*objectif poursuivi en entrant ‡ nouveau dans lĂ*expÈrience traumatique est de permettre au patient dĂ*assimiler les Èmotions et/ou de dÈbloquer celles-ci ainsi que de modifier les cognitions nÈgatives.
5.1. Faire revivre le traumatisme avec de nouvelles ressources
Le traumatisme est revÈcu de faÁon imaginaire avec de nouvelles ressources. En effet, lĂ*Èvocation du souvenir dans un Ètat de conscience modifiÈ permet dĂ*y associer un ensemble de rÈactions non traumatisantes. La personne ne va donc pas expÈrimenter une nouvelle fois le traumatisme puisque cette fois, elle disposera des ressources nÈcessaires pour revivre lĂ*incident critique sans que celui-ci ne soit traumatisant.
19
Le thÈrapeute ne doit pas hÈsiter ‡ proposer des ÈlÈments de ressource afin de suggÈrer de nouveaux moyens pour faire face.
Exemple : Une jeune femme a ÈtÈ victime dĂ*un car-jacking. PÈtrifiÈe par la peur, elle nĂ*a pas ÈtÈ capable de tendre les clÈs de son vÈhicule comme le lui intimaient les agresseurs, ce qui lui valut de se faire molester. En hypnose, elle revivra lĂ*ÈvÈnement sans toutefois Ítre tÈtanisÈe de frayeur, pouvant ainsi obtempÈrer aux ordres des malfaiteurs et Èviter la violence physique.
5.2. Le parentage
La personne que le patient est aujourdĂ*hui (vivante, remise de ses blessures) peut aller rassurer, consoler, aider la victime quĂ*elle Ètait au moment de lĂ*ÈvÈnement traumatique. Dans ce type de mise en scËne, lĂ*idÈe de souffrance passive est totalement absente. En effet, les symptÙmes, la souffrance, le sentiment de fragilitÈ de la victime sont mis sur le compte de lĂ*ÈvÈnement traumatique tandis quĂ*une autre partie est identifiÈe ‡ la lutte que le patient mËne contre cette influence. Pour faire accepter lĂ*Ètat prÈsent du patient, il est en effet nÈcessaire de consolider les zones psychiques restÈes intactes du souffle traumatique.
DĂ*autres personnes-ressource peuvent Ítre introjectÈes : proches, parents, amis, le thÈrapeute, etc.
Exemple : Une femme abusÈe sexuellement dans lĂ*enfance retrouve la petite fille quĂ*elle Ètait, la console, gronde le grand-pËre. Le grand-pËre sĂ*excuse en pleurant. Ensuite, la petite fille et lĂ*adulte que la personne est aujourdĂ*hui vont jouer ensemble ‡ la marelle.
5.3. Le changement de scÈnario
Des changements dans le scÈnario de lĂ*ÈvÈnement traumatique peuvent Ítre introduits de sorte que celui-ci perde sa charge anxiogËne.
Exemple : Au Congo, lĂ*Èquipe dĂ*une ONG est assaillie par 25 militaires. Ils fouillent la maison et la mette sens dessus dessous, menacent et embarquent les expatriÈs en prison (o˘ ils feront lĂ*objet de nombreuses intimidations et notamment de menace dĂ*exÈcution). Durant la sÈance dĂ*hypnose, les militaires sont transformÈs en enfants. Ils deviennent une troupe de scouts en vacances. Les armes deviennent des jouets en plastique.
5.4. ScÈnario de clÙture
Il est Ègalement important de clÙturer les actions signifiantes pour la victime interrompues par lĂ*ÈvÈnement traumatique.
Exemple : Un logisticien dĂ*un ONG a ÈtÈ ÈvacuÈ du pays dĂ*Afrique o˘ il construisait un hÙpital. En sÈance, il a achevÈ le b‚timent et a organisÈ un cocktail dĂ*ouverture o˘ il a pu constater que son travail Ètait apprÈciÈ.
20
Bibliographie
Aristote, ÂŽ PoÈtique ÂȘ, traduit par Dupont-Roc R. et Lallot J. (1980), Seuil.
Cyrulnik B. (1999), ÂŽ Un merveilleux malheur ÂȘ, Paris, Editions Odile Jacob.
Crocq L. (1999), ÂŽ Les traumatismes psychiques de guerre ÂȘ, Paris, Editions Odile Jacob.
Dufour, M. (1993), ÂŽ AllÈgories pour guÈrir et grandir ÂȘ, Ottawa, Collection Psy populaire, les Editions JCL inc.
Jakobson, R. (1956), ÂŽ Essai de linguistique gÈnÈrale ÂȘ, Paris, Point Minuit.
Janet P. (1919), ÂŽ Les mÈdications psychologique. Les Èconomies psychologiques ÂȘ, Paris, Librairie FÈlix Alcan.
Kerouac, M. (1996), ÂŽ La mÈtaphore thÈrapeutique et ses contes ÂȘ, North Hatley, Canada, MKR Èditions.
Lakoff G., Johnson M. (1985), ÂŽ Les mÈtaphores dans la vie quotidienne ÂȘ, Paris, Editions de Minuit.
Nadeau R. (1999), ÂŽ Vocabulaire technique et analytique de lĂ*ÈpistÈmologie ÂȘ, Paris, PUF.
Nathan, T. (1994), ÂŽ LĂ*influence qui guÈrit ÂȘ, Paris, Editions Odile Jacob.
Niewiadomski C., de Villers G. (2002), ÂŽ Souci et soin de soi. Liens et frontiËres entre histoire de vie, psychothÈrapie et psychanalyse ÂȘ, Paris, LĂ*Harmattan.
OĂ*Hanlon H. P., OĂ*Hanlon H. W. (2003), ÂŽ ThÈrapie conjugale brËve ÂȘ, Bruxelles, Satas.
Raulier J., Breulet M., Celis R. (2000), ÂŽ Le mouvement dialectique de la conscience et de lĂ*inconscient. Autour de lĂ*oeuvre de Pierre Janet ÂȘ, Bruxelles, Satas.
Ricoeur P. (1975), ÂŽ La mÈtaphore vive.ÂȘ, Paris, Collection Essais, Editions du Seuil.
Ricoeur P. (1983), ÂŽ Temps et rÈcit. LĂ*intrigue et le temps historique ÂȘ, Paris, Collection Essais, Editions du Seuil.
Ricoeur P. (1984), ÂŽ Temps et rÈcit. La configuration dans le rÈcit de fictionÂȘ, Paris, Collection Essais, Editions du Seuil.
Ricoeur P. (1985), ÂŽ Temps et rÈcit. Le temps racontÈÂȘ, Paris, Collection Essais, Editions du Seuil.
Salem G., Bonvin E. (2001), ÂŽ Soigner par lĂ*hypnose ÂȘ, Paris, Masson.
21
22
Sironi F. (1999), ÂŽ Bourreaux et victimes. Psychologie de la torture ÂȘ, Paris, Editions Odile Jacob.
White M., Epston D. (2003), ÂŽ Les moyens narratifs au service de la thÈrapie ÂȘ, Bruxelles, Collection Le Germe, Editions Satas.