Kyrios
14/01/2008, 19h10
Bonjour,
Voici le premier article d'une série de 5, écrits par Kévin FINEL sur le thème de la thérapie artistique.
Les autres seront publiés dans les prochaines semaines sur ce forum.
Bonne lecture !
Kyrios
Cycle d’article :
La formation du thérapeute - vers une thérapie artistique.
(Premier d’une série de 5 articles qui seront publiés sur le site dans les prochaines semaines, à raison d’un article par semaine).
Une question m’est fréquemment posée lorsque je rencontre des personnes qui s’intéressent à l’hypnose Ericksonienne et de façon générale à une pratique thérapeutique :
« Quels sont les conditions à remplir pour devenir un bon thérapeute ? »Souvent, les personnes qui se posent cette question ont à l’esprit un quelconque diplôme ou une reconnaissance officielle, et j’ai toujours été surpris que dans ce domaine aussi, le besoin de reconnaissance soit aussi présent.
Cependant ceci démontre avant tout un grand malentendu au sujet de la pratique de la thérapie : beaucoup souhaitent qu’il y ait une science là ou il ne peut exister qu’une forme particulière d’art.
Cette volonté provient du désir d’être rassuré par une discipline qui a souvent fait couler de l’encre pour certains de ces dérapages, de la chasse aux sectes et de tous les amalgames qui ont malheureusement été créés par manque d’information, et par certaines théories, qui, comme dans bien d’autres domaines ont pourtant beaucoup évolué… cependant les mythes ont la peau dure…
Pourtant cette question est importante, importante et complexe, car elle contraint à définir ce que sont à la fois les thérapeutes, et l’acte de psychothérapie.
1 Le thérapeute - outil
Quelle que soit la technique choisie par un thérapeute, qu’il se forme à l’hypnose, à la PNL, à la gestalt ou encore à l’une des 500 méthodes ou variantes de méthodes de thérapies existantes, un fait demeure : ce n’est pas la technique qui fait le thérapeute, mais le thérapeute qui fait la technique.
Le thérapeute est lui-même son propre outil.
Pour se prétendre thérapeute, une personne se doit de passer par un cheminement actif à la découverte d’elle-même.
Nous reviendrons avec plus de précisions sur ce point dans un article ultérieur, mais il est important d’attirer l’attention sur les grandes lignes de ce cheminement :
Il s’agit d’acquérir une plus grande conscience de soi, de ses réactions, comportements, et de sa communication ; d’observer et de développer la qualité de l’observation ; de connaître et d’apprivoiser son inconscient ; de comprendre l’adaptation et les jeux d’influences.
Sans même les développer, l’on comprend rapidement que ces sujets ne peuvent être appréhendés autrement que par une discipline interne et par une expérimentation directe, car s’il est possible d’apprendre de nombreuses théories dans un livre, aucun livre ne peut restituer la complexité d’une expérience humaine directe, et si un instrument était capable un jour de recréer une telle expérience, alors celle-ci ne serait rien d’autre qu’une expérience humaine complète.
Ici l’hypnose et l’auto-hypnose peuvent être d’une grande aide pour un thérapeute en devenir : par l’accès à l’inconscient qu’elle permet, cette pratique autorise une exploration de soi. De plus, par le contact avec l’inconscient il devient plus facile d’atteindre une plus grande objectivité, ou au moins d’être conscient de sa subjectivité, et donc de percevoir avec lucidité ses propres comportements, ainsi que ceux des autres.
L’hypnose est une voie d’accès à soi, lorsqu’elle est couplée à une qualité déterminante pour un thérapeute : la curiosité.
C’est cette curiosité qui va permettre de multiplier les expériences. Il faut toutefois se garder de vouloir tout tester, particulièrement en ce qui concerne les pathologies, car heureusement notre inconscient peut aussi créer de l’expérience à partir de projections imaginaires. Il doit pour cela être alimenté en données, et c’est là que l’observation entre en jeu.
Milton Erickson évoquait souvent la période de son adolescence où, paralysé par la polio, il était contraint d’observer, et seulement d’observer. Cette période lui a appris à regarder jusqu’à voir, les gestes, les attitudes, les réactions conscientes et inconscientes.
En cultivant ces qualités, et celles qui en découlent, le futur thérapeute affine ses perceptions et son intelligence : toutes ces connaissances l’amènent à se connaître lui-même, car c’est de lui qu’il doit partir et non d’une image illusoire et imposée comme le font tous ces thérapeutes qui ne doivent leur vocation qu’au fait d’avoir eux-mêmes des problèmes à résoudre.
Le rôle de la technique :
C’est une fois que cela est mis en place, et seulement à ce moment là qu’une technique d’action peut être pleinement utile, car à ce stade, un thérapeute - quelle que soit la technique qui lui semble correspondre à ce qu’il a envie de transmettre - sera un bon thérapeute.
Non seulement il pourra tirer l’essence utile de la technique qu’il va apprendre, mais il saura aussi l’adapter intelligemment aux situations qu’il va rencontrer dans sa pratique.
La technique est-elle donc secondaire ?
La réponse est oui !
Elle reste importante bien sûr, mais elle n’est rien si elle ne repose pas sur une base solide : l’être.
Contrairement à ce que le grand public imagine, ce n’est pas le fait qu’un thérapeute s’affiche comme hypnotiseur, analyste, sophrologue, coach ou autre qui fera le succès de sa thérapie, mais bien la personne qui existe derrière la technique.
De la même façon qu’un maître en kung fu ne sera pas meilleur s’il maîtrise tel ou tel style de kung fu, mais si le ou les styles qu’il maîtrise ont été choisis avec discernement et intégrés à sa personnalité, un thérapeute part de ce qu’il est pour choisir la technique qui lui permettra d’être la meilleure version de lui-même.
Une technique prend quasiment tout le temps naissance à partir de la pratique d’un thérapeute hors du commun.
Bandler et Grinder ont créé la PNL, ils sont d’immenses thérapeutes, brillants, créatifs, élégants... la PNL est diffusée dans le monde entier… et personne ne fait de la PNL comme eux. Ils partent pourtant des mêmes réflexions, et des mêmes inspirations.
Prenons une technique à support extérieur comme le tarot. Quiconque va voir pratiquer quelqu’un comme A. Jodorowky va pouvoir s’exclamer : c’est extraordinaire le Tarot. Mais ce qui est extraordinaire avant tout c’est l’homme qui derrière, est passé par un réel cheminement, et ce cheminement est hors du commun.
Le but n’est pas de se prononcer ici sur la validité ou non du tarot comme technique de changement, ou de dire que tout vient de l’homme et que le tarot n’est pour Jodorowsky qu’une illusion. Mais son intuition, la justesse de ses mots, son regard acéré existent déjà en lui, avant d’être révélé par le support externe qui dans ce cas est un jeu de cartes.
Erickson ne faisait pas de l’hypnose Ericksonienne, il aidait au mieux les personnes qui venaient à lui. Il s’adaptait aux situations, et utilisait l’hypnose car pour lui c’était la méthode qui lui permettait d’utiliser au mieux ses talents et ses possibilités. M. Erickon était un passionné, et travaillait énormément pour obtenir ce résultat, mais il restait totalement adaptable, tant est si bien qu’il existe des compréhensions très différentes de son travail. *
Le présupposé est donc que les grands thérapeutes sont avant tout de grands hommes, et nous pourrions illustrer cette idée à partir de la plupart des courants de thérapie qui ont bien souvent été mis en place à partir de la pratique d’une personne qui a su dépasser la norme.
La technique vient ensuite pour canaliser, pour orienter, et créer, en thérapie, la possibilité du changement chez l’autre, comme cela a déjà été fait pour le thérapeute par et pour lui-même.
Une formation de thérapeute se doit d’envelopper ces deux aspects si elle veut former des praticiens qui puissent avoir une légitimité pleine et entière.
* Qui a le mieux compris Erickson ?
G. Bateson et J. Haley viennent le voir travailler, se passionnent pour ses prescriptions de tâches, et inventent la systémique.
S. Rosen vient l’écouter, et s’émerveille de ses histoires et construit sa technique sur les métaphores thérapeutiques.
E. Rossi se focalise sur le lien corps esprit et se sert d’Erickson et de ses cas pour approfondir ses recherches…
R. Bandler et J. Grinder passent 5 ans à étudier Erickson, et inventent la PNL…
Seul J. Zeig semble avoir su garder un regard objectif et a évité d’interpréter Erickson en cherchant surtout à retranscrire sans interpréter.
Combien de techniques Erickson a-t-il inspiré ? Qui sait aujourd’hui laquelle de ces facettes est la plus « Ericksonienne » ? Il reste une chose qu’Erickson a su transmettre : la méthode Ericksonienne se résume en une phrase : « faites ce qu’il faut pour que ça marche ! » Mais jamais il n’a écrit un protocole…
Peut-être voulait t’il que ses élèves partent avant tout d’eux-mêmes et de leurs propres expériences pour ensuite savoir ce qui était juste en face d’une personne en demande.
Voici le premier article d'une série de 5, écrits par Kévin FINEL sur le thème de la thérapie artistique.
Les autres seront publiés dans les prochaines semaines sur ce forum.
Bonne lecture !
Kyrios
Cycle d’article :
La formation du thérapeute - vers une thérapie artistique.
(Premier d’une série de 5 articles qui seront publiés sur le site dans les prochaines semaines, à raison d’un article par semaine).
Une question m’est fréquemment posée lorsque je rencontre des personnes qui s’intéressent à l’hypnose Ericksonienne et de façon générale à une pratique thérapeutique :
« Quels sont les conditions à remplir pour devenir un bon thérapeute ? »Souvent, les personnes qui se posent cette question ont à l’esprit un quelconque diplôme ou une reconnaissance officielle, et j’ai toujours été surpris que dans ce domaine aussi, le besoin de reconnaissance soit aussi présent.
Cependant ceci démontre avant tout un grand malentendu au sujet de la pratique de la thérapie : beaucoup souhaitent qu’il y ait une science là ou il ne peut exister qu’une forme particulière d’art.
Cette volonté provient du désir d’être rassuré par une discipline qui a souvent fait couler de l’encre pour certains de ces dérapages, de la chasse aux sectes et de tous les amalgames qui ont malheureusement été créés par manque d’information, et par certaines théories, qui, comme dans bien d’autres domaines ont pourtant beaucoup évolué… cependant les mythes ont la peau dure…
Pourtant cette question est importante, importante et complexe, car elle contraint à définir ce que sont à la fois les thérapeutes, et l’acte de psychothérapie.
1 Le thérapeute - outil
Quelle que soit la technique choisie par un thérapeute, qu’il se forme à l’hypnose, à la PNL, à la gestalt ou encore à l’une des 500 méthodes ou variantes de méthodes de thérapies existantes, un fait demeure : ce n’est pas la technique qui fait le thérapeute, mais le thérapeute qui fait la technique.
Le thérapeute est lui-même son propre outil.
Pour se prétendre thérapeute, une personne se doit de passer par un cheminement actif à la découverte d’elle-même.
Nous reviendrons avec plus de précisions sur ce point dans un article ultérieur, mais il est important d’attirer l’attention sur les grandes lignes de ce cheminement :
Il s’agit d’acquérir une plus grande conscience de soi, de ses réactions, comportements, et de sa communication ; d’observer et de développer la qualité de l’observation ; de connaître et d’apprivoiser son inconscient ; de comprendre l’adaptation et les jeux d’influences.
Sans même les développer, l’on comprend rapidement que ces sujets ne peuvent être appréhendés autrement que par une discipline interne et par une expérimentation directe, car s’il est possible d’apprendre de nombreuses théories dans un livre, aucun livre ne peut restituer la complexité d’une expérience humaine directe, et si un instrument était capable un jour de recréer une telle expérience, alors celle-ci ne serait rien d’autre qu’une expérience humaine complète.
Ici l’hypnose et l’auto-hypnose peuvent être d’une grande aide pour un thérapeute en devenir : par l’accès à l’inconscient qu’elle permet, cette pratique autorise une exploration de soi. De plus, par le contact avec l’inconscient il devient plus facile d’atteindre une plus grande objectivité, ou au moins d’être conscient de sa subjectivité, et donc de percevoir avec lucidité ses propres comportements, ainsi que ceux des autres.
L’hypnose est une voie d’accès à soi, lorsqu’elle est couplée à une qualité déterminante pour un thérapeute : la curiosité.
C’est cette curiosité qui va permettre de multiplier les expériences. Il faut toutefois se garder de vouloir tout tester, particulièrement en ce qui concerne les pathologies, car heureusement notre inconscient peut aussi créer de l’expérience à partir de projections imaginaires. Il doit pour cela être alimenté en données, et c’est là que l’observation entre en jeu.
Milton Erickson évoquait souvent la période de son adolescence où, paralysé par la polio, il était contraint d’observer, et seulement d’observer. Cette période lui a appris à regarder jusqu’à voir, les gestes, les attitudes, les réactions conscientes et inconscientes.
En cultivant ces qualités, et celles qui en découlent, le futur thérapeute affine ses perceptions et son intelligence : toutes ces connaissances l’amènent à se connaître lui-même, car c’est de lui qu’il doit partir et non d’une image illusoire et imposée comme le font tous ces thérapeutes qui ne doivent leur vocation qu’au fait d’avoir eux-mêmes des problèmes à résoudre.
Le rôle de la technique :
C’est une fois que cela est mis en place, et seulement à ce moment là qu’une technique d’action peut être pleinement utile, car à ce stade, un thérapeute - quelle que soit la technique qui lui semble correspondre à ce qu’il a envie de transmettre - sera un bon thérapeute.
Non seulement il pourra tirer l’essence utile de la technique qu’il va apprendre, mais il saura aussi l’adapter intelligemment aux situations qu’il va rencontrer dans sa pratique.
La technique est-elle donc secondaire ?
La réponse est oui !
Elle reste importante bien sûr, mais elle n’est rien si elle ne repose pas sur une base solide : l’être.
Contrairement à ce que le grand public imagine, ce n’est pas le fait qu’un thérapeute s’affiche comme hypnotiseur, analyste, sophrologue, coach ou autre qui fera le succès de sa thérapie, mais bien la personne qui existe derrière la technique.
De la même façon qu’un maître en kung fu ne sera pas meilleur s’il maîtrise tel ou tel style de kung fu, mais si le ou les styles qu’il maîtrise ont été choisis avec discernement et intégrés à sa personnalité, un thérapeute part de ce qu’il est pour choisir la technique qui lui permettra d’être la meilleure version de lui-même.
Une technique prend quasiment tout le temps naissance à partir de la pratique d’un thérapeute hors du commun.
Bandler et Grinder ont créé la PNL, ils sont d’immenses thérapeutes, brillants, créatifs, élégants... la PNL est diffusée dans le monde entier… et personne ne fait de la PNL comme eux. Ils partent pourtant des mêmes réflexions, et des mêmes inspirations.
Prenons une technique à support extérieur comme le tarot. Quiconque va voir pratiquer quelqu’un comme A. Jodorowky va pouvoir s’exclamer : c’est extraordinaire le Tarot. Mais ce qui est extraordinaire avant tout c’est l’homme qui derrière, est passé par un réel cheminement, et ce cheminement est hors du commun.
Le but n’est pas de se prononcer ici sur la validité ou non du tarot comme technique de changement, ou de dire que tout vient de l’homme et que le tarot n’est pour Jodorowsky qu’une illusion. Mais son intuition, la justesse de ses mots, son regard acéré existent déjà en lui, avant d’être révélé par le support externe qui dans ce cas est un jeu de cartes.
Erickson ne faisait pas de l’hypnose Ericksonienne, il aidait au mieux les personnes qui venaient à lui. Il s’adaptait aux situations, et utilisait l’hypnose car pour lui c’était la méthode qui lui permettait d’utiliser au mieux ses talents et ses possibilités. M. Erickon était un passionné, et travaillait énormément pour obtenir ce résultat, mais il restait totalement adaptable, tant est si bien qu’il existe des compréhensions très différentes de son travail. *
Le présupposé est donc que les grands thérapeutes sont avant tout de grands hommes, et nous pourrions illustrer cette idée à partir de la plupart des courants de thérapie qui ont bien souvent été mis en place à partir de la pratique d’une personne qui a su dépasser la norme.
La technique vient ensuite pour canaliser, pour orienter, et créer, en thérapie, la possibilité du changement chez l’autre, comme cela a déjà été fait pour le thérapeute par et pour lui-même.
Une formation de thérapeute se doit d’envelopper ces deux aspects si elle veut former des praticiens qui puissent avoir une légitimité pleine et entière.
* Qui a le mieux compris Erickson ?
G. Bateson et J. Haley viennent le voir travailler, se passionnent pour ses prescriptions de tâches, et inventent la systémique.
S. Rosen vient l’écouter, et s’émerveille de ses histoires et construit sa technique sur les métaphores thérapeutiques.
E. Rossi se focalise sur le lien corps esprit et se sert d’Erickson et de ses cas pour approfondir ses recherches…
R. Bandler et J. Grinder passent 5 ans à étudier Erickson, et inventent la PNL…
Seul J. Zeig semble avoir su garder un regard objectif et a évité d’interpréter Erickson en cherchant surtout à retranscrire sans interpréter.
Combien de techniques Erickson a-t-il inspiré ? Qui sait aujourd’hui laquelle de ces facettes est la plus « Ericksonienne » ? Il reste une chose qu’Erickson a su transmettre : la méthode Ericksonienne se résume en une phrase : « faites ce qu’il faut pour que ça marche ! » Mais jamais il n’a écrit un protocole…
Peut-être voulait t’il que ses élèves partent avant tout d’eux-mêmes et de leurs propres expériences pour ensuite savoir ce qui était juste en face d’une personne en demande.