Isabelle63
01/03/2007, 11h18
Par Chantal Wood, Nathalie Duparc, VĂronique Leblanc, CĂcile Cunin-Roy
UnitĂ de Traitement de la Douleur, HĂpital Robert DebrĂ, APHP
LĂ*hypnose est de plus en plus utilisĂe pour traiter la douleur, que ce soit chez lĂ*adulte ou chez lĂ*enfant. En effet, comme le souligne D. Bouhassira (1), ÂŽ le traitement de la douleur reprĂsente une des principales applications cliniques de lĂ*hypnose. LĂ*analgĂsie, c'est-âĄ-dire la rĂduction de la sensibilità ⥠la douleur, est un des phĂnomĂnes hypnotiques les mieux connus ÂȘ. Afin de mieux faire comprendre comment lĂ*hypnose peut agir sur la douleur, nous aborderons successivement ce quĂ*est lĂ*hypnose, comment lĂ*hypnose peut agir sur la modulation de la douleur et les applications de lĂ*hypnose sur la prise en charge de la douleur de lĂ*enfant.
1] QuĂ*est que lĂ*hypnose ?
LĂ*hypnose est selon Roustang (2) ÂŽ la veille paradoxale ÂȘ. En effet, il suffit, selon lui dĂ*observer ce qui se passe lors dĂ*une sĂance pour rĂpondre ⥠cette question. ÂŽ On constate en effet, dĂ*une part une immobilitĂ du corps qui reste indiffĂrent ⥠tous les stimuli extĂrieurs hormis la voix du thĂrapeute, dĂ*autre part une vivacitĂ de lĂ*attention du sujet ⥠tout ce qui se passe en lui et pour lui, liĂe ⥠la possibilitĂ dĂ*une prolifĂration imaginaire. Il est donc visible quĂ*une atonie musculaire et posturale sĂ*allie ⥠cet Ătat avec une activitĂ cĂrĂbrale intense. LĂ*hypnose ne serait plus ⥠dĂsigner de ce mot qui signifie sommeil bien paradoxal, puisque le sujet nĂ*est pas endormi, mĂme sĂ*il en a lĂ*apparence, et que certains modes propres ⥠la veille y acquiĂrent une intensitĂ particuliĂre ÂȘ.
LĂ*Ătat hypnotique commence par une condition de relaxation physique et mentale, associĂe ⥠une absorption et une focalisation sur un ou plusieurs objets. Les suggestions initiales de lĂ*induction hypnotique sont dirigĂes vers ces deux buts. Cet Ătat peut aussi trĂs simplement se rencontrer lorsque quelquĂ*un est fascinĂ par quelque chose, lorsque lĂ*on regarde un film passionnant ou simplement lorsque lĂ*on est absorbĂ par les rides dĂ*un ruisseau ou par les dĂtails dĂ*un paysage... Nous passons alors dĂ*une forme active de concentration ⥠une forme plus dĂtendue, passive dans laquelle apparaĂt une absence de jugement ou de censure, une suspension dĂ*orientation de lieu ou du temps, une expĂrience de rĂponses quasi automatiques. Cet Ătat facilite lĂ*incorporation de suggestions hypnotiques dont celles de lĂ*analgĂsie. (3)
Nous comprenons donc que lĂ*hypnose est un Ătat naturel que nous rencontrons ou expĂrimentons tous ⥠diffĂrents moments de la journĂe. Pour les enfants, cet Ătat est encore plus habituel car il nĂ*y a que peu de barriĂres entre le rĂel et leur imaginaire.
2] Comment lĂ*hypnose agit sur le cerveau
Les discussions sur les mĂcanismes de lĂ*analgĂsie hypnotique reposent sur deux grandes catĂgories selon quĂ*elles mettent en avant les processus psychologiques ou les processus physiologiques (1).
Pour certains, les phĂnomĂnes hypnotiques rĂsulteraient de modifications spĂcifiques du fonctionnement cĂrĂbral caractĂrisĂ par une augmentation de la suggestibilitĂ des sujets.
Ernest Hilgard, psychologue amĂricain, avait montrĂ que lĂ*augmentation de la tolĂrance ⥠la douleur expĂrimentale Ătait directement corrĂlĂe ⥠la suggestibilitĂ des sujets. Ceux-ci avaient une rĂduction de la sensation douloureuse sans modification des rĂactions physiologiques induites par la douleur. Il y aurait donc, pour certains, une sorte de ÂŽ barriĂre ÂȘ entre les niveaux infĂrieurs et les niveaux supĂrieurs impliquĂs dans la perception consciente (1).
Les physiologistes ont cherchà ⥠mettre en Ăvidence les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale induite par les suggestions hypnotiques. Une sĂrie de travaux rĂcents sĂ*appuyant sur les techniques modernes de lĂ*Ălectrophysiologie ou de lĂ*imagerie fonctionnelle cĂrĂbrale, ont permis dĂ*analyser directement les effets des suggestions hypnotiques sur les systĂmes neurophysiologiques impliquĂs dans la perception et la modulation de la douleur.
Cependant, les travaux reposant sur lĂ*Ălectrophysiologie ont ĂtĂ dĂcevants, car lĂ*existence de modifications spĂcifiques de lĂ*activitĂ Ălectrique cĂrĂbrale au cours de lĂ*hypnose nĂ*a pas ĂtĂ dĂmontrĂe
Par contre, la tomographie par Ămissions de positons (PET scan) et lĂ*imagerie fonctionnelle par rĂsonance magnĂtique (IRMF) ont ĂtĂ utilisĂes pour ÂŽ visualiser ÂȘ les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale. LĂ*Ăquipe de Pierre Rainville et de Catherine Bushnell (4), ⥠MontrĂal, ont pu analyser les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale au cours de lĂ*induction hypnotique et lors de suggestions dĂ*analgĂsie. Ils ont dĂmontrĂ que les effets produits par les suggestions dĂ*analgĂsie ont entraĂnĂ des modifications trĂs sĂlectives de lĂ*activitĂ de rĂgions cĂrĂbrales normalement mise en jeu par les stimulations douloureuses expĂrimentales. On distingue classiquement une composante ÂŽ sensori-discriminative ÂȘ (qui permet de localiser la douleur, dĂ*en apprĂcier son intensitĂ et ses qualitĂs sensorielles) qui impliquerait les cortex somesthĂsiques primaire et secondaire localisĂs dans la rĂgion pariĂtale du cerveau. Les rĂgions insulaire et cingulaire, appartenant au systĂme limbique, seraient impliquĂes dans la composante ÂŽ affectivo-Ămotionnelle ÂȘ de la douleur lui confĂrant sa note dĂsagrĂable. Les suggestions visant ⥠rĂduire le caractĂre dĂsagrĂable de la douleur, sĂ*accompagneraient dĂ*une rĂduction de lĂ*activitĂ des rĂgions insulaire et cingulaire, alors que lĂ*activitĂ du cortex somesthĂsique, ne serait pas modifiĂe de maniĂre significative.
DĂ*autres Ătudes ont cherchà ⥠prĂciser le rĂle des systĂmes de modulation de la transmission des informations nociceptives. Ainsi, dans lĂ*analgĂsie hypnotique, il ne semble pas quĂ*il existe une libĂration dĂ*opioĂdes endogĂnes, car lĂ*effet de celle-ci nĂ*est pas contrecarrĂ par lĂ*administration de naloxone, antagoniste spĂcifique de la morphine. Par contre, il y a une mise en jeu des systĂmes de contrĂle descendant de la douleur, comme en tĂmoigne lĂ*abolition du rĂflexe R III (5, 6), lors de suggestions hypnotiques dĂ*analgĂsie.
Toutes ces donnĂes permettent de comprendre le regain dĂ*intĂrĂt quĂ*il y a pour lĂ*hypnose dans la prise en charge de la douleur.
En effet, comme le souligne Bernard Laurent (7) : ÂŽ La douleur est comme toute stimulation sensorielle soumise aux influences de lĂ*attention, de lĂ*anticipation, de lĂ*imagerie mentale, de conditionnements antĂrieursĂ. De plus, on dĂcouvre que les zones frontocingulaires activĂes par les mĂdicaments antalgiques comme la morphine par exemple ou par des stimulations antalgiques du cortex comme la stimulation corticale sont les mĂmes que celles sollicitĂes par des interventions non mĂdicamenteuses comme lĂ*hypnose. Ainsi se trouve encore rĂduite la dichotomie entre les approches anatomo-biologique et psychologique de la douleur ÂȘ.
3] LĂ*hypnose avec les enfants
Pour faire de lĂ*hypnose avec un enfant, il est nĂcessaire quĂ*une relation thĂrapeutique de qualitĂ s'installe, permettant ⥠lĂ*enfant de faire confiance au thĂrapeute et que celui-ci apprenne ⥠entrer dans le monde de lĂ*enfant, de maniĂre Ămotionnelle et imaginaire.
On a dĂ*ailleurs dit que les limites de cette technique Ătaient principalement liĂes aux propres limites du thĂrapeute quand celui-ci nĂ*Ătait pas assez crĂatif. (8).
Le thĂrapeute doit aussi sĂ*adapter au fonctionnement cognitif de lĂ*enfant en utilisant ses mots pour parler de sa douleur et de ses sensations et en utilisant des techniques adaptĂes ⥠lĂ*âge de lĂ*enfant.
DiffĂrentes techniques ont ĂtĂ dĂcrites pour une induction chez lĂ*enfant (9).
a) LĂ*hypnose avec lĂ*enfant dĂ*âge prĂscolaire
LĂ*hypnose ⥠cet âge, est diffĂrente de lĂ*hypnose utilisĂe avec les enfants plus âgĂs. En effet, les enfants de moins de 6 ans ne font pas une claire distinction entre la rĂalitĂ et leur monde fantastique. CĂ*est lĂ*âge des copains imaginaires, des jeux permettant dĂ*extirper leurs peurs (7)Ă.. CĂ*est lĂ*âge oË le thĂrapeute doit sĂ*adapter encore plus au monde de lĂ*enfant. Il faut quĂ*il soit crĂatif, en utilisant des thĂmes qui peuvent intĂresser lĂ*enfant et avoir un ton de la voix diffĂrent de celui employĂ avec lĂ*enfant plus âgĂ. LĂ*hypnose, ⥠cet âge fait plus appel ⥠lĂ*imagerie visuelle ou ⥠la rĂalitĂ virtuelle.
LĂ*utilisation de bulles de savon, de poupĂes ou de peluches ou dĂ*une histoire favorite peuvent aider lĂ*enfant. Celui-ci refuse souvent de fermer les yeux, voire mĂme de rester tranquille et de se relaxer. Il faudra donc Ătre plus inventif, avec des histoires mettant en jeux des personnages fantastiques, forts, des hĂros nĂ*ayant pas peur des situations potentiellement anxiogĂnes que lĂ*enfant va vivre.
b) LĂ*hypnose avec lĂ*enfant en âge scolaire et lĂ*adolescent
Les enfants de cet âge ont des capacitĂs trĂs fortes ⥠utiliser lĂ*hypnose. Le pic de lĂ*âge oË les capacitĂs hypnotiques sont maximales est de 8 ⥠12 ans (11). Les enfants peuvent se concentrer, Ătre absorbĂs et entrer en transe hypnotique beaucoup plus facilement que lĂ*adulte. Ils peuvent alors accepter de fermer les yeux, de rester tranquilles et dĂ*utiliser leurs propres histoires et leur crĂativitĂ;Ă..par exemple, utiliser le fait dĂ*aimer les pizzas lors de lĂ*introduction dĂ*une sonde naso-gastriqueĂ..
c) Le rĂle des parents
Ils peuvent Ătre dĂ*une grande aide, car ils connaissent mieux que nous leur enfant, ses goËts, ses intĂrĂts, voire mĂme sa maniĂre de faire face ⥠la douleur. Il est important de leur expliquer ce quĂ*est lĂ*hypnose, comment elle peut Ătre utile lors de phĂnomĂnes douloureux. Il faut aussi leur demander dĂ*assister ⥠la sĂance. De cette maniĂre, les parents peuvent devenir des alliĂs et aider leur enfant ⥠utiliser lĂ*hypnose. Ceci est dĂ*autant plus vrai lors de douleurs rĂcurrentes (douleurs abdominales) ou de gestes invasifs rĂpĂtĂs.
4] Les applications de lĂ*hypnose dans la prise en charge de la douleur de lĂ*enfant
LĂ*hypnose peut Ătre utilisĂe de 4 maniĂres diffĂrentes chez lĂ*enfant :
- lĂ*hypnose conversationnelle
- lĂ*hypnose avec le MĂlange Equimolaire dĂ*OxygĂne et de Protoxyde dĂ*Azote (MEOPA)
- lĂ*hypnose en prĂmĂdication
- lĂ*hypnose sans sĂdation mĂdicamenteuse
a) LĂ*hypnose conversationnelle
Une des choses fondamentales quĂ*apprend lĂ*hypnose au thĂrapeute dĂbutant, concerne sa maniĂre dĂ*amĂliorer ses techniques de communication. En effet, cĂ*est ⥠partir de la deuxiĂme moitiĂ du XXĂme siĂcle, avec les travaux de Milton Erickson, que se met en place une vĂritable rĂflexion sur la forme de communication hypnotique. La programmation neurolinguistique (PNL) doit beaucoup ⥠lĂ*hypnose ericksonienne, tant au niveau des techniques hypnotiques et non hypnotiques quĂ*au niveau de lĂ*utilisation fine du langage ⥠des fins thĂrapeutiques. Nous ne dĂvelopperons pas plus amplement ce chapitre, le lecteur pouvant se rĂfĂrer ⥠lĂ*ouvrage de Didier Michaux (10) pour en savoir davantage. Nous ne ferons que citer quelques exemples pratiques.
- le cerveau nĂ*entend pas la nĂgation. Si vous demandez ⥠quelquĂ*un : ÂŽ ne pensez pas ⥠un ĂlĂphant rose !!! ÂȘĂ. Votre sujet va immĂdiatement ÂŽ voir ÂȘ cet ĂlĂphant rose. On comprend, alors, lors de nos soins, lĂ*importance dĂ*Ăviter des phrases comme :
ÂŽ NĂ*aie pas peurĂ.. ÂȘ soulignant justement le mot ÂŽ peur ÂȘ
ÂŽ Tu nĂ*auras pas mal ÂȘ
ÂŽ Ne tĂ*inquiĂtes pas ÂȘ
ou simplement ÂŽ ne tombes pasĂ. ÂȘ
- une autre application de lĂ*hypnose conversationnelle, est de projeter le patient dans le futurĂ..
ÂŽ comme tu seras content, quand jĂ*aurai fini de tĂ*examiner et que tu pourras regarder la tĂlĂĂ ÂȘ
ou pour une femme enceinte : ÂŽ je comprends que vous ayez peur dĂ*aller au bloc opĂratoire ĂĂ mais dans quelques minutes, vous allez avoir votre petit bĂbĂ contre vousĂ vous allez pouvoir le toucherĂ lĂ*embrasserĂ ÂȘ La mĂre est dĂj⥠dans le futur de lĂ*acte et non dans lĂ*anxiĂtĂ de lĂ*attente de ce qui va se produire.
- La rĂgression en âge est Ăgalement utile, surtout lors dĂ*un handicap transitoire. Par exemple, lors de la prise en charge dĂ*un enfant prĂsentant une algodystrophie, le thĂrapeute, constatant la sous utilisation du membre supĂrieur atteint, peut parler ⥠lĂ*enfant du temps quĂ*il a pris pour lĂ*acquisition de la marche : ÂŽ tu te rappelles quand tu as commencà ⥠marcher ?....... tu mettais un piedĂ. Et puis tu tombaisĂpuis un jour tu as pu mettre un piedĂ puis un secondĂPuis un jour tu as pu lâcher ta mainĂtu tombaisĂEt puis tu as pu lâcher les deux mainsĂ et actuellement, quand tu marches, tu ne penses mĂme pas ⥠comment mettre tes pieds par terreĂAlorsĂ tu vois, ce poignet et cette main ont oubliĂ de faire leur travail Ă et petit ⥠petit, ils vont rĂapprendreĂEt plus tu vas les faire travailler, plus ils vont apprendre ⥠redevenir comme avantĂ. En prenant du temps Ă ÂȘ
b) LĂ*hypnose avec le MĂlange Equimolaire dĂ*OxygĂne et de Protoxyde dĂ*Azote (MEOPA)
LĂ*utilisation de techniques hypnotiques associĂes au MEOPA sĂ*Ălargit. Un film fait par Sophie Leruth et BĂnĂdicte Minguet (11), disponible ⥠lĂ*Association Sparadrap montre comment associer les techniques hypnotiques ⥠ce produit. LĂ*Ăquipe de lĂ*UnitĂ de Traitement de la Douleur de lĂ*HĂpital Robert DebrĂ a largement utilisĂ ces techniques (12). En octobre 2003, elle avait fait plus de mille accompagnements, avec le MEOPA. La technique utilisĂe est celle de lĂ*imagerie visuelle.
Les indications sont larges : ponctions lombaires, ponctions de moelle, ponctions biopsie rĂnale, pansements divers, retraites de drains et de redons, soins chez des enfants anxieux ou phobiques.
La mĂthode doit Ătre expliquĂe ⥠lĂ*enfant et il est essentiel quĂ*il adhĂre et accepte celle-ci. On demande ⥠lĂ*enfant ce quĂ*il veut ÂŽ vivre ÂȘ pendant le geste douloureux (match de foot, voyage, aller dans un endroit favori, dĂcorer lĂ*arbre de NoĂl, visiter une fermeĂ..). Le thĂrapeute garde un contact verbal avec lĂ*enfant, lĂ*accompagnant selon son imaginaire et ses idĂes.
Il nous semble que cette technique est supĂrieure ⥠lĂ*administration de MEOPA seul. En effet, lĂ*hypnose, en association avec le MEOPA, permet ⥠lĂ*enfant de focaliser plus facilement son attention ailleurs, dĂ*obtenir plus vite une dissociation. Les enfants ne se rappellent plus prĂcisĂment ni du geste, ni de la douleur, mais se souviennent dĂ*avoir fait un rĂve agrĂable ou dĂ*avoir vĂcu une belle histoire. Ils ont envie de recommencer cette technique sans apprĂhension pour le geste futur.
c) LĂ*hypnose en prĂmĂdication
LĂ*Ăquipe de Claude Ecoffey, ⥠Rennes, a comparĂ lĂ*hypnose ⥠lĂ*administration de midazolam (HypnovelĂ) pour la prĂmĂdication de 50 enfants âgĂs de 2 ⥠11 ans (13). LĂ*Ăvaluation du comportement des enfants a ĂtĂ fait par :
- le Modifed Yale Preoperative Anxiety Scale (mYPAS), un test dĂ*anxiĂtĂ prĂ-opĂratoire, comportant 22 items divisĂs en 5 catĂgories (lĂ*activitĂ, le comportement verbal, lĂ*expression, le rĂveil, lĂ*attitude envers les parents)
- le Post Hospitalisation Behaviour Questionnaire (PHBQ), Ăvaluant le comportement post-opĂratoire, comportant 26 items, divisĂs en 6 catĂgories (lĂ*anxiĂtĂ gĂnĂrale, la peur de la sĂparation, la peur de dormir, les dĂsordres alimentaires, lĂ*agressivitĂ envers lĂ*autoritĂ et lĂ*apathie).
Les enfants ont ĂtĂ hospitalisĂs le jour de la chirurgie. En arrivant, le score dĂ*anxiĂtĂ (mYPAS) a ĂtĂ rempli par lĂ*infirmiĂre. Les Parents ont rempli un questionnaire sur le comportement habituel de leur enfant pendant lĂ*hospitalisation.
Ils ont ĂtĂ sĂparĂs en deux groupes : le groupe H ou Hypnose, et le groupe M ou Midazolam.
- le Groupe H a ingĂrĂ un placebo, 30 minutes avant lĂ*acte opĂratoire, puis lĂ*anesthĂsiste a fait une induction hypnotique maintenue jusquĂ*⥠lĂ*induction de lĂ*anesthĂsie.
- Pour le Groupe M, O, 5 mg/kg de midazolam a ĂtĂ donnĂ par voie buccale 30 minutes avant lĂ*acte.
Un deuxiĂme score dĂ*anxiĂtĂ a ĂtĂ pratiquà ⥠lĂ*entrĂe de la salle dĂ*opĂration, puis un troisiĂme, lors de la mise en place du masque dĂ*anesthĂsie.
En post-opĂratoire, la douleur a ĂtĂ ĂvaluĂe par lĂ*Objective Pain Score (OPS). Les enfants sont rentrĂs chez eux, sĂ*ils rĂpondaient aux critĂres de sortie. Les parents ont ĂtĂ contactĂs par tĂlĂphone, ⥠J1, J7, J14.
Les rĂsultats montrent quĂ*il y avait une diffĂrence significative entre les deux groupes en ce qui concerne lĂ*anxiĂtĂ prĂ-opĂratoire, lors de lĂ*induction anesthĂsique (39% conte 68%). En post-opĂratoire, on retrouvait une diffĂrence significative des dĂsordres comportementaux dans le groupe M comparĂ au Groupe H et ceci ⥠J1 et J7 (62% versus 30% ⥠J1 ; 59% versus 36% ⥠J7). LĂ*agressivitĂ des enfants envers leurs parents est restĂ ĂlevĂe dans le groupe M ⥠J1 et J14.
d) LĂ*hypnose sans association mĂdicamenteuse
LĂ*hypnose a ĂtĂ largement utilisĂe pour aider les enfants lors de douleurs aiguĂs (14-15), dans le service dĂ*urgence, lors de soins douloureux comme les ponctions lombaires ou les ponctions mĂdullaires, lors de douleurs prolongĂes ou rĂcurrentes (16-19), les crises vaso-occlusives, les cĂphalĂes et migraines (20), les douleurs abdominalesĂĂ
Ces techniques sont plus efficaces en situation dĂ*urgence. En effet, le patient effrayĂ, traumatisĂ est dans une certaine forme de transe hypnotique (ou de focalisation sur sa douleur) et peut alors, en fonction de la persuasion et de la crĂativitĂ du thĂrapeute, Ătre absorbĂ par autre chose.
En situation de douleur chronique ou rĂpĂtĂe, il faut passer par une induction hypnotique, permettant ⥠lĂ*enfant de focaliser son attention et de sĂ*absorber davantage. Les techniques dĂpendent de lĂ*âge de lĂ*enfant et passent de la caresse dĂ*une peluche, ⥠la fixation visuelle ou ⥠des techniques idĂomotrices (9).
Une fois lĂ*induction en place, le thĂrapeute peut utiliser diffĂrentes techniques pour modifier le vĂcu douloureux (21) :
- la suggestion directe
- lĂ*amnĂsie partielle ou totale de la douleur
- lĂ*analgĂsie, en modifiant la sensation douloureuse pour la rendre moins dĂsagrĂable (ex : un engourdissement)
- lĂ*anesthĂsie, plus difficile ⥠obtenir
- la substitution de la douleur par une sensation moins dĂsagrĂable : par exemple la sensation de brËlure par une sensation de chaleur douce ou de tiĂdeur
- le dĂplacement de la douleur en un point du corps
- la dissociation, qui permet au corps de se dĂtacher de la zone douloureuse : ÂŽ laissez votre jambe cassĂe lâĄĂ. Et partons vers ce chemin de montagne que vous aimez bien ÂȘ
- la rĂ-interprĂtation, en la rattachant ⥠une expĂrience plus agrĂable
- le fractionnement, permettant de diminuer lĂ*intensitĂ de la douleurĂ
- la distorsion dans le temps.
Chez lĂ*enfant, on peut utiliser toutes ces techniques en les adaptant ⥠la personnalitĂ, ⥠lĂ*âge, etc. de chacun. Un film, produit par le Dr Leora Kuttner, ÂŽ No Fear No Tears ÂȘ (22), disponible en franĂais, montrent bien l'utilisation de diffĂrentes techniques comme la distraction, les suggestions directes dĂ*analgĂsie, comme le ÂŽ gant magique ÂȘ ou lĂ*interrupteur de la douleur.
Au cours de la prise en charge du patient, il est indispensable que celui-ci apprenne lĂ*auto-hypnose afin de se familiariser ⥠lĂ*outil et de pouvoir ⥠tout moment lĂ*utiliser lors dĂ*une crise douloureuse ou dĂs quĂ* il en aura besoin.. Le patient doit se former dans un premier temps avec un thĂrapeute, puis seul afin quĂ*il ne devienne pas dĂpendant de la voix de celui-ci ou de lĂ*Ăcoute dĂ*une cassette audio. Il est donc nĂcessaire de lĂ*informer que lĂ*hypnose nĂcessite un apprentissage et que plus il utilisera cette technique, plus elle deviendra rapidement efficace.
Dans certains cas, lĂ*enregistrement dĂ*une cassette audio peut aider lĂ*enfant dans son apprentissage. Nous le faisons rarement afin quĂ*il puisse utiliser son propre imaginaire lors de ses crises douloureuses et devenir indĂpendant du thĂrapeute. Cependant, nous l'utilisons parfois chez lĂ*enfant prĂsentant une maladie sĂvĂre (enfant en rĂanimation ou en fin de vie). En effet, celui-ci nĂ*a souvent pas la force ou le courage de faire appel ⥠ses ressources. âŠcouter une cassette audio peut alors lĂ*aider ⥠retrouver une certaine Ănergie, ⥠Ăloigner la douleur ou tout simplement ⥠se dĂtendre en allant dans un endroit favori.
En fait, lĂ*hypnose peut Ătre utilisĂe dans de nombreuses situations. CĂ*est une forme de communication qui peut sĂ*employer ⥠tout moment avec le patient. CĂ*est une technique qui peut Ătre proposĂe lors de gestes douloureux, afin de permettre au patient de se focaliser sur autre chose et ainsi de sĂ*Ăloigner de sa douleur. Cette technique ne semble pas simplement aider les enfants lors de maladies et de gestes douloureux. LĂ*impact sur leur vie future est Ăvidente, avec une maniĂre trĂs positive dĂ*aborder lĂ*existence, comme le montre le deuxiĂme film du Dr Kuttner (23).
Conclusion
LĂ*hypnose grâce aux recherches actuelles rĂapparaĂt dans le champ mĂdical comme un outil digne dĂ*intĂrĂt pour le traitement de la douleur et la prise en charge des gestes douloureux. LĂ*enfant est un sujet particuliĂrement habile ⥠lĂ*apprentissage de ces techniques, lui permettant dĂ*acquĂrir des compĂtences pour faire face ⥠son vĂcu douloureux. LĂ*hypnose est un outil utile quĂ*il faut savoir proposer ⥠tout patient prĂsentant une douleur aiguĂ ou une douleur chronique, ⥠condition quĂ*il veuille adhĂrer ⥠cette technique et se lĂ*approprier. Il faut, par ailleurs, que cet outil soit entre de bonnes mains, cĂ*est-âĄ-dire, dans celles dĂ*un thĂrapeute formà ⥠cette approche et ayant une solide expĂrience sur ce qui se passe dans la relation mĂdecin - malade au niveau psychologique.
UnitĂ de Traitement de la Douleur, HĂpital Robert DebrĂ, APHP
LĂ*hypnose est de plus en plus utilisĂe pour traiter la douleur, que ce soit chez lĂ*adulte ou chez lĂ*enfant. En effet, comme le souligne D. Bouhassira (1), ÂŽ le traitement de la douleur reprĂsente une des principales applications cliniques de lĂ*hypnose. LĂ*analgĂsie, c'est-âĄ-dire la rĂduction de la sensibilità ⥠la douleur, est un des phĂnomĂnes hypnotiques les mieux connus ÂȘ. Afin de mieux faire comprendre comment lĂ*hypnose peut agir sur la douleur, nous aborderons successivement ce quĂ*est lĂ*hypnose, comment lĂ*hypnose peut agir sur la modulation de la douleur et les applications de lĂ*hypnose sur la prise en charge de la douleur de lĂ*enfant.
1] QuĂ*est que lĂ*hypnose ?
LĂ*hypnose est selon Roustang (2) ÂŽ la veille paradoxale ÂȘ. En effet, il suffit, selon lui dĂ*observer ce qui se passe lors dĂ*une sĂance pour rĂpondre ⥠cette question. ÂŽ On constate en effet, dĂ*une part une immobilitĂ du corps qui reste indiffĂrent ⥠tous les stimuli extĂrieurs hormis la voix du thĂrapeute, dĂ*autre part une vivacitĂ de lĂ*attention du sujet ⥠tout ce qui se passe en lui et pour lui, liĂe ⥠la possibilitĂ dĂ*une prolifĂration imaginaire. Il est donc visible quĂ*une atonie musculaire et posturale sĂ*allie ⥠cet Ătat avec une activitĂ cĂrĂbrale intense. LĂ*hypnose ne serait plus ⥠dĂsigner de ce mot qui signifie sommeil bien paradoxal, puisque le sujet nĂ*est pas endormi, mĂme sĂ*il en a lĂ*apparence, et que certains modes propres ⥠la veille y acquiĂrent une intensitĂ particuliĂre ÂȘ.
LĂ*Ătat hypnotique commence par une condition de relaxation physique et mentale, associĂe ⥠une absorption et une focalisation sur un ou plusieurs objets. Les suggestions initiales de lĂ*induction hypnotique sont dirigĂes vers ces deux buts. Cet Ătat peut aussi trĂs simplement se rencontrer lorsque quelquĂ*un est fascinĂ par quelque chose, lorsque lĂ*on regarde un film passionnant ou simplement lorsque lĂ*on est absorbĂ par les rides dĂ*un ruisseau ou par les dĂtails dĂ*un paysage... Nous passons alors dĂ*une forme active de concentration ⥠une forme plus dĂtendue, passive dans laquelle apparaĂt une absence de jugement ou de censure, une suspension dĂ*orientation de lieu ou du temps, une expĂrience de rĂponses quasi automatiques. Cet Ătat facilite lĂ*incorporation de suggestions hypnotiques dont celles de lĂ*analgĂsie. (3)
Nous comprenons donc que lĂ*hypnose est un Ătat naturel que nous rencontrons ou expĂrimentons tous ⥠diffĂrents moments de la journĂe. Pour les enfants, cet Ătat est encore plus habituel car il nĂ*y a que peu de barriĂres entre le rĂel et leur imaginaire.
2] Comment lĂ*hypnose agit sur le cerveau
Les discussions sur les mĂcanismes de lĂ*analgĂsie hypnotique reposent sur deux grandes catĂgories selon quĂ*elles mettent en avant les processus psychologiques ou les processus physiologiques (1).
Pour certains, les phĂnomĂnes hypnotiques rĂsulteraient de modifications spĂcifiques du fonctionnement cĂrĂbral caractĂrisĂ par une augmentation de la suggestibilitĂ des sujets.
Ernest Hilgard, psychologue amĂricain, avait montrĂ que lĂ*augmentation de la tolĂrance ⥠la douleur expĂrimentale Ătait directement corrĂlĂe ⥠la suggestibilitĂ des sujets. Ceux-ci avaient une rĂduction de la sensation douloureuse sans modification des rĂactions physiologiques induites par la douleur. Il y aurait donc, pour certains, une sorte de ÂŽ barriĂre ÂȘ entre les niveaux infĂrieurs et les niveaux supĂrieurs impliquĂs dans la perception consciente (1).
Les physiologistes ont cherchà ⥠mettre en Ăvidence les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale induite par les suggestions hypnotiques. Une sĂrie de travaux rĂcents sĂ*appuyant sur les techniques modernes de lĂ*Ălectrophysiologie ou de lĂ*imagerie fonctionnelle cĂrĂbrale, ont permis dĂ*analyser directement les effets des suggestions hypnotiques sur les systĂmes neurophysiologiques impliquĂs dans la perception et la modulation de la douleur.
Cependant, les travaux reposant sur lĂ*Ălectrophysiologie ont ĂtĂ dĂcevants, car lĂ*existence de modifications spĂcifiques de lĂ*activitĂ Ălectrique cĂrĂbrale au cours de lĂ*hypnose nĂ*a pas ĂtĂ dĂmontrĂe
Par contre, la tomographie par Ămissions de positons (PET scan) et lĂ*imagerie fonctionnelle par rĂsonance magnĂtique (IRMF) ont ĂtĂ utilisĂes pour ÂŽ visualiser ÂȘ les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale. LĂ*Ăquipe de Pierre Rainville et de Catherine Bushnell (4), ⥠MontrĂal, ont pu analyser les modifications de lĂ*activitĂ cĂrĂbrale au cours de lĂ*induction hypnotique et lors de suggestions dĂ*analgĂsie. Ils ont dĂmontrĂ que les effets produits par les suggestions dĂ*analgĂsie ont entraĂnĂ des modifications trĂs sĂlectives de lĂ*activitĂ de rĂgions cĂrĂbrales normalement mise en jeu par les stimulations douloureuses expĂrimentales. On distingue classiquement une composante ÂŽ sensori-discriminative ÂȘ (qui permet de localiser la douleur, dĂ*en apprĂcier son intensitĂ et ses qualitĂs sensorielles) qui impliquerait les cortex somesthĂsiques primaire et secondaire localisĂs dans la rĂgion pariĂtale du cerveau. Les rĂgions insulaire et cingulaire, appartenant au systĂme limbique, seraient impliquĂes dans la composante ÂŽ affectivo-Ămotionnelle ÂȘ de la douleur lui confĂrant sa note dĂsagrĂable. Les suggestions visant ⥠rĂduire le caractĂre dĂsagrĂable de la douleur, sĂ*accompagneraient dĂ*une rĂduction de lĂ*activitĂ des rĂgions insulaire et cingulaire, alors que lĂ*activitĂ du cortex somesthĂsique, ne serait pas modifiĂe de maniĂre significative.
DĂ*autres Ătudes ont cherchà ⥠prĂciser le rĂle des systĂmes de modulation de la transmission des informations nociceptives. Ainsi, dans lĂ*analgĂsie hypnotique, il ne semble pas quĂ*il existe une libĂration dĂ*opioĂdes endogĂnes, car lĂ*effet de celle-ci nĂ*est pas contrecarrĂ par lĂ*administration de naloxone, antagoniste spĂcifique de la morphine. Par contre, il y a une mise en jeu des systĂmes de contrĂle descendant de la douleur, comme en tĂmoigne lĂ*abolition du rĂflexe R III (5, 6), lors de suggestions hypnotiques dĂ*analgĂsie.
Toutes ces donnĂes permettent de comprendre le regain dĂ*intĂrĂt quĂ*il y a pour lĂ*hypnose dans la prise en charge de la douleur.
En effet, comme le souligne Bernard Laurent (7) : ÂŽ La douleur est comme toute stimulation sensorielle soumise aux influences de lĂ*attention, de lĂ*anticipation, de lĂ*imagerie mentale, de conditionnements antĂrieursĂ. De plus, on dĂcouvre que les zones frontocingulaires activĂes par les mĂdicaments antalgiques comme la morphine par exemple ou par des stimulations antalgiques du cortex comme la stimulation corticale sont les mĂmes que celles sollicitĂes par des interventions non mĂdicamenteuses comme lĂ*hypnose. Ainsi se trouve encore rĂduite la dichotomie entre les approches anatomo-biologique et psychologique de la douleur ÂȘ.
3] LĂ*hypnose avec les enfants
Pour faire de lĂ*hypnose avec un enfant, il est nĂcessaire quĂ*une relation thĂrapeutique de qualitĂ s'installe, permettant ⥠lĂ*enfant de faire confiance au thĂrapeute et que celui-ci apprenne ⥠entrer dans le monde de lĂ*enfant, de maniĂre Ămotionnelle et imaginaire.
On a dĂ*ailleurs dit que les limites de cette technique Ătaient principalement liĂes aux propres limites du thĂrapeute quand celui-ci nĂ*Ătait pas assez crĂatif. (8).
Le thĂrapeute doit aussi sĂ*adapter au fonctionnement cognitif de lĂ*enfant en utilisant ses mots pour parler de sa douleur et de ses sensations et en utilisant des techniques adaptĂes ⥠lĂ*âge de lĂ*enfant.
DiffĂrentes techniques ont ĂtĂ dĂcrites pour une induction chez lĂ*enfant (9).
a) LĂ*hypnose avec lĂ*enfant dĂ*âge prĂscolaire
LĂ*hypnose ⥠cet âge, est diffĂrente de lĂ*hypnose utilisĂe avec les enfants plus âgĂs. En effet, les enfants de moins de 6 ans ne font pas une claire distinction entre la rĂalitĂ et leur monde fantastique. CĂ*est lĂ*âge des copains imaginaires, des jeux permettant dĂ*extirper leurs peurs (7)Ă.. CĂ*est lĂ*âge oË le thĂrapeute doit sĂ*adapter encore plus au monde de lĂ*enfant. Il faut quĂ*il soit crĂatif, en utilisant des thĂmes qui peuvent intĂresser lĂ*enfant et avoir un ton de la voix diffĂrent de celui employĂ avec lĂ*enfant plus âgĂ. LĂ*hypnose, ⥠cet âge fait plus appel ⥠lĂ*imagerie visuelle ou ⥠la rĂalitĂ virtuelle.
LĂ*utilisation de bulles de savon, de poupĂes ou de peluches ou dĂ*une histoire favorite peuvent aider lĂ*enfant. Celui-ci refuse souvent de fermer les yeux, voire mĂme de rester tranquille et de se relaxer. Il faudra donc Ătre plus inventif, avec des histoires mettant en jeux des personnages fantastiques, forts, des hĂros nĂ*ayant pas peur des situations potentiellement anxiogĂnes que lĂ*enfant va vivre.
b) LĂ*hypnose avec lĂ*enfant en âge scolaire et lĂ*adolescent
Les enfants de cet âge ont des capacitĂs trĂs fortes ⥠utiliser lĂ*hypnose. Le pic de lĂ*âge oË les capacitĂs hypnotiques sont maximales est de 8 ⥠12 ans (11). Les enfants peuvent se concentrer, Ătre absorbĂs et entrer en transe hypnotique beaucoup plus facilement que lĂ*adulte. Ils peuvent alors accepter de fermer les yeux, de rester tranquilles et dĂ*utiliser leurs propres histoires et leur crĂativitĂ;Ă..par exemple, utiliser le fait dĂ*aimer les pizzas lors de lĂ*introduction dĂ*une sonde naso-gastriqueĂ..
c) Le rĂle des parents
Ils peuvent Ătre dĂ*une grande aide, car ils connaissent mieux que nous leur enfant, ses goËts, ses intĂrĂts, voire mĂme sa maniĂre de faire face ⥠la douleur. Il est important de leur expliquer ce quĂ*est lĂ*hypnose, comment elle peut Ătre utile lors de phĂnomĂnes douloureux. Il faut aussi leur demander dĂ*assister ⥠la sĂance. De cette maniĂre, les parents peuvent devenir des alliĂs et aider leur enfant ⥠utiliser lĂ*hypnose. Ceci est dĂ*autant plus vrai lors de douleurs rĂcurrentes (douleurs abdominales) ou de gestes invasifs rĂpĂtĂs.
4] Les applications de lĂ*hypnose dans la prise en charge de la douleur de lĂ*enfant
LĂ*hypnose peut Ătre utilisĂe de 4 maniĂres diffĂrentes chez lĂ*enfant :
- lĂ*hypnose conversationnelle
- lĂ*hypnose avec le MĂlange Equimolaire dĂ*OxygĂne et de Protoxyde dĂ*Azote (MEOPA)
- lĂ*hypnose en prĂmĂdication
- lĂ*hypnose sans sĂdation mĂdicamenteuse
a) LĂ*hypnose conversationnelle
Une des choses fondamentales quĂ*apprend lĂ*hypnose au thĂrapeute dĂbutant, concerne sa maniĂre dĂ*amĂliorer ses techniques de communication. En effet, cĂ*est ⥠partir de la deuxiĂme moitiĂ du XXĂme siĂcle, avec les travaux de Milton Erickson, que se met en place une vĂritable rĂflexion sur la forme de communication hypnotique. La programmation neurolinguistique (PNL) doit beaucoup ⥠lĂ*hypnose ericksonienne, tant au niveau des techniques hypnotiques et non hypnotiques quĂ*au niveau de lĂ*utilisation fine du langage ⥠des fins thĂrapeutiques. Nous ne dĂvelopperons pas plus amplement ce chapitre, le lecteur pouvant se rĂfĂrer ⥠lĂ*ouvrage de Didier Michaux (10) pour en savoir davantage. Nous ne ferons que citer quelques exemples pratiques.
- le cerveau nĂ*entend pas la nĂgation. Si vous demandez ⥠quelquĂ*un : ÂŽ ne pensez pas ⥠un ĂlĂphant rose !!! ÂȘĂ. Votre sujet va immĂdiatement ÂŽ voir ÂȘ cet ĂlĂphant rose. On comprend, alors, lors de nos soins, lĂ*importance dĂ*Ăviter des phrases comme :
ÂŽ NĂ*aie pas peurĂ.. ÂȘ soulignant justement le mot ÂŽ peur ÂȘ
ÂŽ Tu nĂ*auras pas mal ÂȘ
ÂŽ Ne tĂ*inquiĂtes pas ÂȘ
ou simplement ÂŽ ne tombes pasĂ. ÂȘ
- une autre application de lĂ*hypnose conversationnelle, est de projeter le patient dans le futurĂ..
ÂŽ comme tu seras content, quand jĂ*aurai fini de tĂ*examiner et que tu pourras regarder la tĂlĂĂ ÂȘ
ou pour une femme enceinte : ÂŽ je comprends que vous ayez peur dĂ*aller au bloc opĂratoire ĂĂ mais dans quelques minutes, vous allez avoir votre petit bĂbĂ contre vousĂ vous allez pouvoir le toucherĂ lĂ*embrasserĂ ÂȘ La mĂre est dĂj⥠dans le futur de lĂ*acte et non dans lĂ*anxiĂtĂ de lĂ*attente de ce qui va se produire.
- La rĂgression en âge est Ăgalement utile, surtout lors dĂ*un handicap transitoire. Par exemple, lors de la prise en charge dĂ*un enfant prĂsentant une algodystrophie, le thĂrapeute, constatant la sous utilisation du membre supĂrieur atteint, peut parler ⥠lĂ*enfant du temps quĂ*il a pris pour lĂ*acquisition de la marche : ÂŽ tu te rappelles quand tu as commencà ⥠marcher ?....... tu mettais un piedĂ. Et puis tu tombaisĂpuis un jour tu as pu mettre un piedĂ puis un secondĂPuis un jour tu as pu lâcher ta mainĂtu tombaisĂEt puis tu as pu lâcher les deux mainsĂ et actuellement, quand tu marches, tu ne penses mĂme pas ⥠comment mettre tes pieds par terreĂAlorsĂ tu vois, ce poignet et cette main ont oubliĂ de faire leur travail Ă et petit ⥠petit, ils vont rĂapprendreĂEt plus tu vas les faire travailler, plus ils vont apprendre ⥠redevenir comme avantĂ. En prenant du temps Ă ÂȘ
b) LĂ*hypnose avec le MĂlange Equimolaire dĂ*OxygĂne et de Protoxyde dĂ*Azote (MEOPA)
LĂ*utilisation de techniques hypnotiques associĂes au MEOPA sĂ*Ălargit. Un film fait par Sophie Leruth et BĂnĂdicte Minguet (11), disponible ⥠lĂ*Association Sparadrap montre comment associer les techniques hypnotiques ⥠ce produit. LĂ*Ăquipe de lĂ*UnitĂ de Traitement de la Douleur de lĂ*HĂpital Robert DebrĂ a largement utilisĂ ces techniques (12). En octobre 2003, elle avait fait plus de mille accompagnements, avec le MEOPA. La technique utilisĂe est celle de lĂ*imagerie visuelle.
Les indications sont larges : ponctions lombaires, ponctions de moelle, ponctions biopsie rĂnale, pansements divers, retraites de drains et de redons, soins chez des enfants anxieux ou phobiques.
La mĂthode doit Ătre expliquĂe ⥠lĂ*enfant et il est essentiel quĂ*il adhĂre et accepte celle-ci. On demande ⥠lĂ*enfant ce quĂ*il veut ÂŽ vivre ÂȘ pendant le geste douloureux (match de foot, voyage, aller dans un endroit favori, dĂcorer lĂ*arbre de NoĂl, visiter une fermeĂ..). Le thĂrapeute garde un contact verbal avec lĂ*enfant, lĂ*accompagnant selon son imaginaire et ses idĂes.
Il nous semble que cette technique est supĂrieure ⥠lĂ*administration de MEOPA seul. En effet, lĂ*hypnose, en association avec le MEOPA, permet ⥠lĂ*enfant de focaliser plus facilement son attention ailleurs, dĂ*obtenir plus vite une dissociation. Les enfants ne se rappellent plus prĂcisĂment ni du geste, ni de la douleur, mais se souviennent dĂ*avoir fait un rĂve agrĂable ou dĂ*avoir vĂcu une belle histoire. Ils ont envie de recommencer cette technique sans apprĂhension pour le geste futur.
c) LĂ*hypnose en prĂmĂdication
LĂ*Ăquipe de Claude Ecoffey, ⥠Rennes, a comparĂ lĂ*hypnose ⥠lĂ*administration de midazolam (HypnovelĂ) pour la prĂmĂdication de 50 enfants âgĂs de 2 ⥠11 ans (13). LĂ*Ăvaluation du comportement des enfants a ĂtĂ fait par :
- le Modifed Yale Preoperative Anxiety Scale (mYPAS), un test dĂ*anxiĂtĂ prĂ-opĂratoire, comportant 22 items divisĂs en 5 catĂgories (lĂ*activitĂ, le comportement verbal, lĂ*expression, le rĂveil, lĂ*attitude envers les parents)
- le Post Hospitalisation Behaviour Questionnaire (PHBQ), Ăvaluant le comportement post-opĂratoire, comportant 26 items, divisĂs en 6 catĂgories (lĂ*anxiĂtĂ gĂnĂrale, la peur de la sĂparation, la peur de dormir, les dĂsordres alimentaires, lĂ*agressivitĂ envers lĂ*autoritĂ et lĂ*apathie).
Les enfants ont ĂtĂ hospitalisĂs le jour de la chirurgie. En arrivant, le score dĂ*anxiĂtĂ (mYPAS) a ĂtĂ rempli par lĂ*infirmiĂre. Les Parents ont rempli un questionnaire sur le comportement habituel de leur enfant pendant lĂ*hospitalisation.
Ils ont ĂtĂ sĂparĂs en deux groupes : le groupe H ou Hypnose, et le groupe M ou Midazolam.
- le Groupe H a ingĂrĂ un placebo, 30 minutes avant lĂ*acte opĂratoire, puis lĂ*anesthĂsiste a fait une induction hypnotique maintenue jusquĂ*⥠lĂ*induction de lĂ*anesthĂsie.
- Pour le Groupe M, O, 5 mg/kg de midazolam a ĂtĂ donnĂ par voie buccale 30 minutes avant lĂ*acte.
Un deuxiĂme score dĂ*anxiĂtĂ a ĂtĂ pratiquà ⥠lĂ*entrĂe de la salle dĂ*opĂration, puis un troisiĂme, lors de la mise en place du masque dĂ*anesthĂsie.
En post-opĂratoire, la douleur a ĂtĂ ĂvaluĂe par lĂ*Objective Pain Score (OPS). Les enfants sont rentrĂs chez eux, sĂ*ils rĂpondaient aux critĂres de sortie. Les parents ont ĂtĂ contactĂs par tĂlĂphone, ⥠J1, J7, J14.
Les rĂsultats montrent quĂ*il y avait une diffĂrence significative entre les deux groupes en ce qui concerne lĂ*anxiĂtĂ prĂ-opĂratoire, lors de lĂ*induction anesthĂsique (39% conte 68%). En post-opĂratoire, on retrouvait une diffĂrence significative des dĂsordres comportementaux dans le groupe M comparĂ au Groupe H et ceci ⥠J1 et J7 (62% versus 30% ⥠J1 ; 59% versus 36% ⥠J7). LĂ*agressivitĂ des enfants envers leurs parents est restĂ ĂlevĂe dans le groupe M ⥠J1 et J14.
d) LĂ*hypnose sans association mĂdicamenteuse
LĂ*hypnose a ĂtĂ largement utilisĂe pour aider les enfants lors de douleurs aiguĂs (14-15), dans le service dĂ*urgence, lors de soins douloureux comme les ponctions lombaires ou les ponctions mĂdullaires, lors de douleurs prolongĂes ou rĂcurrentes (16-19), les crises vaso-occlusives, les cĂphalĂes et migraines (20), les douleurs abdominalesĂĂ
Ces techniques sont plus efficaces en situation dĂ*urgence. En effet, le patient effrayĂ, traumatisĂ est dans une certaine forme de transe hypnotique (ou de focalisation sur sa douleur) et peut alors, en fonction de la persuasion et de la crĂativitĂ du thĂrapeute, Ătre absorbĂ par autre chose.
En situation de douleur chronique ou rĂpĂtĂe, il faut passer par une induction hypnotique, permettant ⥠lĂ*enfant de focaliser son attention et de sĂ*absorber davantage. Les techniques dĂpendent de lĂ*âge de lĂ*enfant et passent de la caresse dĂ*une peluche, ⥠la fixation visuelle ou ⥠des techniques idĂomotrices (9).
Une fois lĂ*induction en place, le thĂrapeute peut utiliser diffĂrentes techniques pour modifier le vĂcu douloureux (21) :
- la suggestion directe
- lĂ*amnĂsie partielle ou totale de la douleur
- lĂ*analgĂsie, en modifiant la sensation douloureuse pour la rendre moins dĂsagrĂable (ex : un engourdissement)
- lĂ*anesthĂsie, plus difficile ⥠obtenir
- la substitution de la douleur par une sensation moins dĂsagrĂable : par exemple la sensation de brËlure par une sensation de chaleur douce ou de tiĂdeur
- le dĂplacement de la douleur en un point du corps
- la dissociation, qui permet au corps de se dĂtacher de la zone douloureuse : ÂŽ laissez votre jambe cassĂe lâĄĂ. Et partons vers ce chemin de montagne que vous aimez bien ÂȘ
- la rĂ-interprĂtation, en la rattachant ⥠une expĂrience plus agrĂable
- le fractionnement, permettant de diminuer lĂ*intensitĂ de la douleurĂ
- la distorsion dans le temps.
Chez lĂ*enfant, on peut utiliser toutes ces techniques en les adaptant ⥠la personnalitĂ, ⥠lĂ*âge, etc. de chacun. Un film, produit par le Dr Leora Kuttner, ÂŽ No Fear No Tears ÂȘ (22), disponible en franĂais, montrent bien l'utilisation de diffĂrentes techniques comme la distraction, les suggestions directes dĂ*analgĂsie, comme le ÂŽ gant magique ÂȘ ou lĂ*interrupteur de la douleur.
Au cours de la prise en charge du patient, il est indispensable que celui-ci apprenne lĂ*auto-hypnose afin de se familiariser ⥠lĂ*outil et de pouvoir ⥠tout moment lĂ*utiliser lors dĂ*une crise douloureuse ou dĂs quĂ* il en aura besoin.. Le patient doit se former dans un premier temps avec un thĂrapeute, puis seul afin quĂ*il ne devienne pas dĂpendant de la voix de celui-ci ou de lĂ*Ăcoute dĂ*une cassette audio. Il est donc nĂcessaire de lĂ*informer que lĂ*hypnose nĂcessite un apprentissage et que plus il utilisera cette technique, plus elle deviendra rapidement efficace.
Dans certains cas, lĂ*enregistrement dĂ*une cassette audio peut aider lĂ*enfant dans son apprentissage. Nous le faisons rarement afin quĂ*il puisse utiliser son propre imaginaire lors de ses crises douloureuses et devenir indĂpendant du thĂrapeute. Cependant, nous l'utilisons parfois chez lĂ*enfant prĂsentant une maladie sĂvĂre (enfant en rĂanimation ou en fin de vie). En effet, celui-ci nĂ*a souvent pas la force ou le courage de faire appel ⥠ses ressources. âŠcouter une cassette audio peut alors lĂ*aider ⥠retrouver une certaine Ănergie, ⥠Ăloigner la douleur ou tout simplement ⥠se dĂtendre en allant dans un endroit favori.
En fait, lĂ*hypnose peut Ătre utilisĂe dans de nombreuses situations. CĂ*est une forme de communication qui peut sĂ*employer ⥠tout moment avec le patient. CĂ*est une technique qui peut Ătre proposĂe lors de gestes douloureux, afin de permettre au patient de se focaliser sur autre chose et ainsi de sĂ*Ăloigner de sa douleur. Cette technique ne semble pas simplement aider les enfants lors de maladies et de gestes douloureux. LĂ*impact sur leur vie future est Ăvidente, avec une maniĂre trĂs positive dĂ*aborder lĂ*existence, comme le montre le deuxiĂme film du Dr Kuttner (23).
Conclusion
LĂ*hypnose grâce aux recherches actuelles rĂapparaĂt dans le champ mĂdical comme un outil digne dĂ*intĂrĂt pour le traitement de la douleur et la prise en charge des gestes douloureux. LĂ*enfant est un sujet particuliĂrement habile ⥠lĂ*apprentissage de ces techniques, lui permettant dĂ*acquĂrir des compĂtences pour faire face ⥠son vĂcu douloureux. LĂ*hypnose est un outil utile quĂ*il faut savoir proposer ⥠tout patient prĂsentant une douleur aiguĂ ou une douleur chronique, ⥠condition quĂ*il veuille adhĂrer ⥠cette technique et se lĂ*approprier. Il faut, par ailleurs, que cet outil soit entre de bonnes mains, cĂ*est-âĄ-dire, dans celles dĂ*un thĂrapeute formà ⥠cette approche et ayant une solide expĂrience sur ce qui se passe dans la relation mĂdecin - malade au niveau psychologique.